Santé mentale en berne, pression sociale, incompréhension: alerte sur l'état des services de psychiatrie en France

L’Assemblée nationale doit ouvrir ce mercredi un "débat sur l'évolution de la santé psychique dans le contexte de crise sanitaire et les réponses qui y sont apportées par les politiques publiques", à la demande du groupe socialiste. Car depuis la crise sanitaire et le premier confinement, la santé mentale des Français a décliné.
Un déclin qui se ressent d'abord sur la consommation des psychotropes, qui a augmenté pendant la pandémie de Covid-19 et les premiers confinements. "Les plus malades et les plus isolés, ceux qui n'ont pu accéder à leur traitement, ont vu leur état dramatiquement s'aggraver. Et il y a eu une augmentation des psychotropes. Pendant les premiers confinements, on a stocké des pâtes et d’autres produits de première nécessité, mais aussi des antidépresseurs", assure ce lundi sur RMC Michel Lejoyeux, professeur de psychiatrie à l’université de Paris, qui évoque un "nouveau désordre de l'esprit".
Et les chiffres ne mentent pas. Selon une enquête de Santé publique France, publiée le 23 décembre 2021, 18% des Français présenteraient des signes de troubles dépressifs et 23% un état anxieux, soit respectivement 8 et 9 points de plus qu'avant l'épidémie.
Les autres addictions ont elle aussi augmenté. "Les 'apéros zoom' nous ont aussi fait beaucoup de mal. Il fallait tenir pendant le confinement mais en s’alcoolisant", ajoute le professeur, qui en voit aujourd'hui les conséquences sur les plus jeunes et les plus isolés, mais qui se refuse à appeler à une "épidémie collective où l'on devrait tous être malades". "Il faut juste rester plus vigilant sur les plus en difficulté, vis-à-vis de celle ou celui qui est le plus jeune et n’a pas accès au travail ou aux soins", plaide Michel Lejoyeux.
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"On a toutes les difficultés de l'ambulatoire et de l'hôpital"
Une détérioration de la santé mentale couplée à des difficultés inhérentes à en France, où le secteur de la santé mentale est parfois vu comme "le parent pauvre" de la santé. "La profession est un peu KO. On a toutes les difficultés de l'ambulatoire et de l'hôpital: les lits fermés, la démographie et l'attractivité. Et en plus, on a une pression sociale considérable", déplore Michel Lejoyeux, évoquant les évasions en série de plusieurs services psychiatriques de Toulouse ces dix derniers jours.
"On a senti que nos soignants et nos malades n'étaient pas compris. Ces fugues sont bien sur un problème, mais nos malades sont plus victimes qu’auteurs de violences. Nos malades sont mal compris et non-reconnus. Il faut sortir des caricatures. On ne veut pas les voir et on les considère comme incurable", déplore le professeur qui évoque "des traitements qui marchent".
Pour sortir du marasme psychiatrique, il demande aux candidats à la présidentielle "de ne pas oublier l'essentiel". "Nous avons un dispositif, privé, public ou ambulatoire, en souffrance, nous ne voulons pas de gadgets, nous voulons un soutien des soignants au quotidien. Il faut travailler avec des infirmiers et des psychologues en réseau", assure Michel Lejoyeux.
Si l'on en croit d'ailleurs les chiffres de Santé publique France, il y a urgence à agir, alors que 10% des Français déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année, soit +5 points par rapport au niveau hors épidémie. Dans le même temps, 80% des Français déclarent avoir une perception positive de leur vie en général, un niveau bas, 5 points en-dessous du niveau hors épidémie.
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