"C'est ma santé qui est en jeu": la difficile prise en charge médicale des personnes transgenres

"C'est quand même dommage d'avoir vraiment si peu de gens formés." Cédrine, qui a entamé une transition de genre, attendait avec impatience le premier volet des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), publiées ce vendredi, concernant les personnes majeures.
Destinées aux professionnels de santé, ces recommandations visent à "homogénéiser les pratiques et garantir une prise en charge sécurisée et de qualité", précise la HAS. Cédrine, elle, aurait souhaité en profiter, il y a trois ans quand elle a débuté sa transition de genre: "J'ai commencé à appeler les endocrinologues. J'ai subi des refus pendant plusieurs mois. 'Non je ne m'occupe pas de ça' et voilà."
Un parcours de soin chaotique
La Haute autorité de santé reconnaît dans sa publication que l'accès à des soins de qualité "reste très hétérogène sur le territoire". Face à ce manque de réponse, les risques "de renoncement aux soins, d’automédication, de dépression ou encore de troubles anxieux pouvant aller jusqu’au suicide" sont plus fréquents chez les personnes souhaitant réaliser une transition de genre.
D’après une étude récente des chercheurs Marcel Konrad et Karel Kostev, une personne trans sur cinq souffrirait de dépression. Cette dernière peut également être causée par les violences physiques, mentales ou professionnelles auxquelles sont davantage exposées les personnes transgenres.
Cédrine, elle, a bien cru qu’elle n'aurait jamais son ordonnance de bloqueurs de testostérone et d'oestrogènes. Depuis le début, elle a dû faire face à un parcours semé d'embuches, marqué par la solitude, mais pas seulement.
"C'est plus de la tristesse. C'est quand même ma santé qui est en jeu", confie-t-elle.
Pour trouver un endocrinologue disponible pour l'aider, Cédrine a dû aller jusqu'en Ille-et-Vilaine, à deux heures de route de chez elle. Mais elle n'avait pas le choix. "J'ai toujours su que j'étais une femme au fond de moi. Quand la décision est prise, on a aussi envie que ça avance. On sait où est-ce qu'on veut aller", raconte-t-elle.
Des professionnels de santé demandeurs
Pendant son parcours de soin, Cédrine a eu la chance de tomber sur des professionnels de santé prêts à tout pour l'aider: "J'ai eu la chance de rencontrer une orthophoniste qui s'est formée exprès pour moi." Elle en cherchait une pour corriger sa voix qu'elle qualifie de "relativement grave".
"Personne ne fait attention à moi jusqu'à ce que je parle. Je me suis dit que j'allais trouver les méthodes sur internet, essayer de féminiser un peu la voix", détaille Cédrine.
De nombreux soignants attendaient les réglementations de la HAS, comme l'endocrinologue Jean-François Martin, qui a suivi plus d'une centaine de patients en transition. Il s'est retrouver à devoir se former tout seul. "Est-ce que je fais ci, est-ce que je fais ça... J'ai demandé des conseils", raconte-t-il. Ce dernier a également éplucher énormément de livres pour pouvoir aider au mieux ses patients.
"Mais je ne crois pas que ce soit suffisant", dit-il. Jean-François Martin espère que les recommandations de la HAS permettront une meilleure structuration de la prise en charge médicale, "tout le suivi, l'indication, ce qu'il faut faire".
"On est là pour aider les gens et c'est un peu notre mission", argue-t-il.
Parmi ses recommandations, la HAS appelle notamment les professionnels de santé à "accueillir les demandes de transition sans stigmatisation, proposer un accompagnement adapté" et "éclairer les demandes de prescription d'hormones". Le rapport appelle également les pouvoirs publics à "renforcer la formation initiale et continue des professionnels" et "structurer l'offre de soins".
L'institution a également annoncé que ses recommandations concernant les personnes mineures étaient reportées à début 2026. "Nous constatons qu'il y a un consensus sur les majeurs et qu'on ne retrouve pas le même consensus sur les mineurs", a déclaré le président de la HAS Lionel Collet.