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Comment expliquer cette défiance contre le vaccin en Guadeloupe et en Martinique?

Alors que la progression des cas explose aux Antilles, les taux de vaccination reste extrêmement bas par rapport à l'hexagone.

Depuis plusieurs semaines, les Antilles françaises suffoquent. La Martinique et la Guadeloupe paient chacune un lourd tribut avec le Covid-19, notamment en raison de la faiblesse de leur vaccination. À peine 15 % de la population a reçu les deux doses du vaccin, contre plus de 50% en métropole.

Pourtant, la situation sanitaire outre-Atlantique s’aggrave d’heure en heure. Dans les deux départements, les hôpitaux sont saturés et les transferts de patients vers la métropole s’accentuent. Comment expliquer alors cette méfiance envers le vaccin ?

Le scandale du chlordécone

Parmi les sujets de crispations, le scandale du chlordécone rebute un bon nombre d’Antillais. Ce pesticide nocif, utilisé à partir de 1972, l’a été jusqu’en 1993 dans les îles alors même que l’hexagone l’avait interdit quatre ans plus tôt. Résultat : plus de 90% des Martiniquais sont contaminés et ont deux fois plus de chance d’avoir un cancer de la prostate qu’en France. En terme de gestion de crise, c’est un raté. L’Etat perd énormément de crédibilité.

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Incompréhension des mesures sanitaires

De l’autre, les Antilles ont été relativement épargnées par les trois premières vagues du Covid mais ont tout de même dû respecter le strict confinement de mars 2020. À cette époque, des milliers de métropolitains sont arrivés sur les îles pour se reposer. C’est avec ce va-et-vient dans les aéroports que les taux d’incidence ont augmenté peu à peu.

Aujourd’hui, les voyageurs disposant d’un schéma vaccinal complet doivent présenter un test PCR de 72h avant de pouvoir rejoindre les îles. Pour ceux non-vaccinés, un motif impérieux est demandé.

Méfiance envers les médias, mauvaise communication du gouvernement

Les grands médias sont très peu suivis par les iliens, plus intéressés par l’actualité locale. Là, où les agences régionales ont toujours un train de retard.

Le 2 août, le porte-parole du collectif syndical LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon) Elie Domota adresse une lettre ouverte à Emmanuel Macron et enfonce le clou. Il y dénonce le discours "méprisant" de ceux qui pensent que les "pseudos-croyances" coupent les Antilles de la réalité moderne. En tête, la médecine traditionnelle, le vaudou…

"Nous serons totalement rassurés quand la République aura assuré aux peuples "d’outre-mer" la meilleure protection de sa santé", cingle-t-il.

Le coup de grâce avec la mort de Jacob Desvarieux

Pourtant triplement vacciné, le guitariste fondateur de Kassav Jacob Desvarieux est mort du Covid-19, le 5 août dernier. Pour les antivax, son décès est la preuve que les vaccins ne fonctionnent pas. Mais c’est oublier que le guitariste souffrait d’immunodépression et était doublement vulnérable au virus.

Méfiance, incompréhension, confiance rompue… Autant de facteurs qui expliquent la lente progression de la vaccination aux Antilles. Mais progression tout de même.

En Martinique, les réfractaires "sont en train de changer d’avis", annonce le professeur André Cabié, infectiologue au CHU de Fort-de-France.

"Malheureusement, en raison de ce drame immunitaire qu’on est en train de vivre, on a doublé notre fréquentation ces deux-trois derniers jours."
La rédaction de RMC