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Découverte du virus du sida: il y a 40 ans, une féroce bataille entre la France et les Etats-Unis

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Dans "Apolline Matin" ce lundi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré revient sur la bataille entre la France et les Etats-Unis sur la découverte du virus du sida, il y a 40 ans.

On a célébré ce week-end les 40 ans d’une avancée médicale majeure: la découverte du virus du sida, en mai 1983. Une découverte qui avait fait l’objet à l’époque d’une féroce bataille commerciale entre la France et les Etats-Unis. Car l’histoire de la découverte du virus du sida, c’est à la fois une aventure médicale et un véritable western financier, une bataille où tous les coups étaient permis.

L’anniversaire que l’on a célébré ce week-end, c’est celui de la publication par la revue américaine “Science” des travaux d’une équipe française. Tout est parti d’un jeune médecin, Willy Rozenbaum, qui travaillait à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et qui a l’intuition que le sida peut venir d’un rétrovirus. Il envoie des prélèvements des ganglions d’un malade à l’Institut Pasteur. Une chercheuse de 36 ans, Françoise Barré-Sinoussi, se met au travail dans le laboratoire de Jean-Claude Chermann, lui-même dirigé par Luc Montagnier. En janvier 1983, bingo. L’équipe isole le virus responsable de cette nouvelle et effrayante maladie mortelle: le sida.

Mais les Américains vont contester cette découverte. Le professeur américain Robert Gallo, spécialiste mondial des rétrovirus, se montre très sceptique. Il continue ses recherches et un an plus tard, il annonce avoir à son tour découvert le virus. Un virus qui ressemble étrangement à celui découvert par les Français un an plus tôt. Et pour cause. Le professeur Montagnier avait envoyé aux Etats-Unis les échantillons sur lesquels il avait travaillé. Et l’Américain a fait sa découverte à partir de ces ganglions français. Autrement dit, ils ont découvert exactement la même chose, mais les Français un an avant…

L'équipe française d'abord arnaquée

Les enjeux financiers étaient énormes. Et les Français se sont fait arnaquer. La découverte du virus permettait de mettre au point des tests de dépistages et de les vendre dans le monde entier. Les Français ont tout de suite essayé de faire enregistrer leur brevet aux Etats-Unis. Mais, deux fois, l’administration américaine s’y est opposée, pour d'obscures raisons administratives. Et finalement, lorsque l’Américain Robert Gallo a annoncé sa pseudo-découverte un an après, il a obtenu l’enregistrement le jour même. Et c’est donc son institut qui a touché des droits sur les tests de dépistage.

L’Institut Pasteur a engagé des poursuites devant la justice américaine. Et finalement, c’est un accord politique qui a réglé le différend. Le 31 mars 1987, le président américain Ronald Reagan et le Premier ministre français Jacques Chirac ont signé un accord. Luc Montagnier et Robert Gallo était désignés comme codécouvreurs et les bénéfices étaient partagés à égalité entre Français et Américains.

Le prix Nobel pour deux Français

Mais l’histoire a finalement donné raison à l'équipe française. La justice américaine a condamné Robert Gallo pour mauvaise conduite scientifique. Mais c’est surtout en 2008 que l’affaire a été scientifiquement tranchée, parce que ce sont les Français qui ont obtenu le prix Nobel de médecine. Sauf qu’il n’y avait que deux places. Il a été attribué à la jeune chercheuse Françoise Barré-Sinoussi et au patron, le professeur Montagnier, en écartant le directeur du service, Jean-Claude Chermann, qui a eu ce commentaire: “Je suis le roi des cons”.

En tout cas, cette découverte a sauvé des millions de vie. En permettant d’abord de dépister la maladie. Puis, dix ans plus tard, c’est la découverte des trithérapies qui a tout changé et qui fait que les personnes séropositives ont aujourd’hui quasiment la même espérance de vie que les autres. Le sida n’est plus une maladie mortelle. Et l’histoire a fini par reconnaître que quelques médecins français n’y sont pas pour rien…

Nicolas Poincaré