Déserts médicaux: "L'obligation risque de crisper les médecins, c'est extrêmement délétère"

Le Premier ministre François Bayrou a préconisé vendredi, lors d'un déplacement dans le Cantal, d'imposer jusqu'à deux jours par mois de temps de consultation aux médecins dans les zones prioritaires du territoire. "Chaque médecin généraliste ou spécialiste qui exerce dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones qui sont les plus en difficulté", a-t-il précisé.
"Tout ce qui est obligation risque de crisper les médecins, c'est extrêmement délétère", regrette ce samedi sur RMC Sophie Bauer, présidente du syndicat des médecins libéraux. Celle-ci rappelle par ailleurs que son organisation a soutenu autrefois cette mesure, "sur la base du volontariat", gage de son efficacité selon elle. Un dispositif notamment testé en Franche-Comté.
"Pour certains médecins, c'est impossible voir c'est mettre leur santé en jeu", met en garde Sophie Bauer, qui évoque des praticiens qui travaillent de 7h à 22h et souvent des retraités actifs, au nombre de "14.500" en France. Une obligation qui inciterait ces derniers à partir définitivement à la retraite, anticipe-t-elle au mciro d'Anaïs Matin.
Les politiques "viennent nous demander de sauver leurs fesses"
Quid des 6 millions de Français sans médecin traitant? "Certains n'en veulent pas", balaie-t-elle, fustigant que les médecins "payent 35 ans de mauvaise gestion des ressources humaines en santé, une mauvaise gestion politique." "Ils viennent nous demander de sauver leurs fesses", critique ainsi Sophie Bauer.
Une position partagée par Agnès Giannotti, présidente de Médecins généralistes (MG France, majoritaire chez les libéraux): "Il ne faut pas que ce soit l'idée de contrainte, d'obligation. On fait au quotidien vraiment le maximum de ce qu'on peut faire pour soigner les gens. Il faut nous protéger, il faut nous aider, il ne faut pas nous contraindre et nous menacer", poursuit la responsable", dit-elle auprès de l'Agence France-Presse.
Cette mesure concernerait tous les médecins, qui pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal. "Il y aura des contreparties financières", "a contrario, les médecins qui refuseraient se verront pénalisés", a précisé une source gouvernementale.
Trop d'abandons des étudiants en médecine
La solution efficace pour Sophie Bauer réside dans l'augmentation des médecins en formation. "Nous n'en avons pas particulièrement assez", dit-elle, pointant l'abandon des étudiants en cours de cursus, de l'ordre de 10 à 15%. "Il faut se préoccuper de ce problème", plaide-t-elle. Outre la mesure phare des deux jours par mois, le plan présenté vendredi comprend trois autres "axes". Le premier traite justement de la formation.
L'idée est de "permettre aux plus de jeunes possible d'accéder aux études de santé, au plus près de leur territoire", de "recruter dans les territoires ruraux ou moins favorisés", déroule une source gouvernementale. Un nouveau médecin s'installe plus volontiers dans son territoire d'origine: 50% des médecins généralistes formés exercent à moins de 85 km de leur lieu de naissance, une installation sur deux est située à moins de 43 km de l'université d'internat.
Appel à la grève contre l'installation régulée des médecins
En attendant, le syndicat des médecins libéraux, comme d'autres organisations, appelle toujours à la grève à partir du 28 avril, en raison de l'article de la proposition de loi du député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot, adopté début avril par l'Assemblée mais dont l'examen du rete du texte est prévu début mai.
L'article adopté régulerait l'installation des médecins libéraux ou salariés, qui devraient solliciter l'aval de l'Agence régionale de santé (ARS). Il serait octroyé de droit dans une zone qui connaît un déficit de soignants, mais dans les territoires mieux pourvus, le médecin ne pourrait s'installer que lorsqu'un autre s'en va. "Cette proposition de loi est complètement contre-productive qui va aboutir à un désastre. Les médecins ne vont pas se laisser faire", commente Sophie Bauer.