Dry January: "L'opinion a changé", Addictions France veut intensifier la prévention contre l'alcool

Vivek Murthy, médecin-chef des Etats-Unis, a préconisé le 3 janvier la mise en place d'avertissements sur les boissons alcoolisées pour prevenir le public des risques cancérigènes. "L'alcool est une cause de cancer bien établie et évitable", a-t-il mis en garde. Un souhait et une position partagés par Bernard Basset, président de l'association Addictions France. "C'est normal que les consommateurs soient informés sur un produit de consommation courante", a-t-il expliqué ce samedi sur RMC.
"Ce n'est pas un produit anodin"
"Une enquête de l'Institut national du cancer, menée il y a deux ans, montrait qu'une grande partie pensaient que le vin protégait du cancer, ce qui est évidemment faux. L'alcool favorise nombreux cancers, digestif mais aussi le cancer du sein, ce que l'on sait moins", a souligné l'invité d'Anaïs Matin. L'idée d'apposer un message de prévention sur les bouteilles d'alcool permettrait ainsi au consommateur de "freiner sa consommation". "On est averti que ce n'est pas un produit anodin."
L'alcool représente la deuxième cause évitable de mortalité par cancer, responsable chaque année de 28 000 nouveaux cas. Selon l'OMS, l'alcool a tué 2,6 millions de personnes en 2019 dans le monde.
Pour rappel, c'est en 2003 qu'intervient pour la première fois en France la mention "Fumer tue", avec l'obligation d'apposer un message de prévention recouvrant "au moins 30%" du paquet. C'est ensuite en 2017 qu'est mis en place le paquet neutre, c'est-à-dire une uniformation du "packaging" avec une couleur grise.
"Boire tue" sur des bouteilles d'alcool?
La France serait-elle prête à voir marquer en gros "Boire tue" sur des bouteilles de vin ou de bières? Bernard Basset se veut optimiste. "Je crois que l'opinion a considérablement changé. Un sondage de décembre montrait que 84% des personnes nterrogées associaient l'alcool à la drogue. Les gens sont prêts à avoir une information qui sort un peu des sentiers battus et des messages sur l'effet positif de l'alcool avec la convivialité et le patrimoine", considère-t-il.
Le président d'Addictions France est en tout cas persuadé que l'opinion est en avance à ce propos comparé à la classe politique, se basant sur le "succès" de l'opération Dry January. Celle-ci, importée du Royaume-Uni, consiste à ne pas boire une goute d'alcool durant tout le mois.
Dry January, un "succès" mais qui ne bénéficie d'aucun "centime" de la part de l'État
"L'année dernière, 4 millions de personnes l'ont fait volontairement, sans que ce soit moraliste ou normatif. Cette année, selon les sondages, on pourrait avoir 17 millions. Je pense qu'ils ne feront pas tout le mois mais ce sont au moins 17 millions de personnes qui s'inquiètent de leur consommation", se félicite Bernard Basset.
Selon ISWR, fournisseur mondial de données et d'informations sur les boissons, la France a enregistré en 2022 la plus forte progression de nouveaux buveurs de boissons non ou peu alcoolisées parmi les pays occidentaux (+25%), majoritairement issus de la génération des "Millennials" (nés dans les années 1980-1990).
Même la filière viticole française, pourtant peu encline à favoriser une campagne comme le Dry January, s'est mis à la production de vin sans alcool, afin de repércuter les baisses des ventes. "Les campagnes de prévention contre l'alcoolisme doivent être réalisées à bon escient." "Stigmatiser" la consommation d'alcool "à travers un mois où on ne devrait pas boire, ce n'est pas normal", pestait début janvier auprès de RMC Rémi Dumas, président des Jeunes agriculteurs du Gard.
"Censures à cause du lobby"
Il n'empêche que ce volontarisme des Français vers une consommation régulière d'alcool devrait ainsi inciter les pouvoirs publics à prendre à bras le corps le dossier de la prévention, selon Bernard Basset. "Ce n'est pas un message prohibitionniste, on dit 'Faites attention à votre consommation'", se défend-t-il. "Santé Publique France devrait pouvoir émettre plus de messages de prévention, en dehors de janvier".
D'autant que l'Etat n'injecte aucun "centime de soutien" dans la campagne du Dry January, rappelle-t-il, vantant ainsi une initiative portée par le "militantisme". "On sait qu'il y a eu de la censure ces dernières années, sous la pression du lobby de l'alcool."