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Implant contraceptif: des femmes dénoncent des douleurs insupportables et l'inaction de l'Etat

Près de 30.000 femmes se sont fait retirer l'implant contraceptif Essure, fabriqué par les laboratoires Bayer et accusé d'être à l'origine de nombreuses douleurs. Aujourd'hui, plusieurs femmes dénoncent l'inaction de l'Etat.

Sylvie a 53 ans et habite près de Lyon. Comme 240.000 autres femmes en France, elle s'est fait implanter un implant contraceptif sur les conseils de son médecin. L'implant Essure, présenté pendant des années par les laboratoires Bayer comme un dispositif simple et sans risque de contraception définitive. Sauf que rapidement après la pose de l'implant, elle développe des douleurs insupportables.

"C'était tellement violent. Les brûlures que l'on ressent sont tellement intenses qu'on ne peut pas dormir et qu'on a envie de s'arracher les bras. Ensuite, j'ai commencé à perdre des cheveux, à avoir des choses vraiment bizarres. J'ai eu des pertes de la vision de façon nette, des brûlures dans les yeux, des bégaiements, des acouphènes. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut imaginer, c'est une douleur qui vous ronge", raconte-t-elle à RMC.

"Je suis quelqu'un qui jouait au foot, qui faisait de la danse, pleine de vie qui fait du jardin. Quelque part, ma vie d'avant s'est arrêtée là", ajoute Sylvie.

"J'avais l'impression de devenir folle et que tout le monde s'en fichait"

De nombreuses patientes et une association l'assurent: ces symptômes sont liés à l'implant. L'agence du médicament a reçu 4.537 signalements liés au dispositif Essure, et plus de 30.000 femmes se sont déjà fait retirer leur implant. Mais les autorités de santé n'ont jamais communiqué individuellement auprès des patientes implantées sur les risques potentiels, alors que les laboratoires Bayer ont retiré leur dispositif du marché dès 2017. Sylvie, par exemple, n'a eu connaissance des risques qu'en 2020, cinq ans après la pose de son implant. Et elle l'a appris par hasard sur internet. 

"On m'a clairement empoisonnée. C'est le sentiment que j'ai parce que c'est la réalité de ce qui s'est passé. J'en subis encore les conséquences aujourd'hui et peut-être que ce sera sur le reste de ma vie. Si le ministère de la Santé m'avait prévenue plus tôt, ça m'aurait peut-être évité des années de souffrance inutile. Ça m'aurait permis d'aller consulter tout de suite. Si j'avais qu'une seule revendication, ça serait vraiment qu'on puisse informer les femmes porteuses pour les alertes, qu'elles ne vivent pas ce que j'ai vécu pendant des années. J'étais seule, j'avais l'impression de devenir folle et que tout le monde s'en fichait", explique-t-elle.

Ce que veut Sylvie, c'est que les autorités de santé communiquent auprès des patientes. Tout simplement, via le lancement d'une grande campagne de communication. Une meilleure information mais aussi une meilleure prise en charge via la création d'une affection longue durée spécifique. D'autant plus qu'une étude menée par des chercheurs du CNRS a prouvé la toxicité des implants Essure.

"L'Etat ne fait rien"

Maître Stephen Duval défend plusieurs dizaines de patientes dans toute la France et il a engagé une procédure contre l'Etat dans cette affaire. "Les femmes qui sont porteuses du dispositif ont besoin d'être informée individuellement, assure l'avocat. On me dit 'on ne peut pas retrouver ces femmes individuellement', mais on se moque de qui? L'Ansm, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, quant à elle, a communiqué sur son site internet. Mais qui connaît ce site? C'est une blague. Aujourd'hui, l'Etat ne fait rien."

"Quand on va chez son médecin, il y a des campagnes d'information pour la contraception, pour la vaccination, pourquoi ne faisons-nous pas la même chose pour les Essure? Une femme qui irait chez son médecin-traitant le verrait mais ça n'existe pas. Est-ce que c'est compliqué à mettre en œuvre? non. Est-ce qu'on peut faire un spot à la télévision? oui. Alors pourquoi ce n'est pas fait?", interroge-t-il.

Sur la mise en place d'une affection longue durée, le ministère de la Santé assure que ce point est "en cours d'investigation" mais rien de nouveau en matière d'information des victimes potentielles.

De leur côté, les laboratoires Bayer affirment que les patientes peuvent continuer à utiliser leur implant, que le dispositif ne pose pas de problème de sécurité. Selon Bayer, il n'aurait été retiré du marché que pour "des raisons commerciales". 

Marie Dupin et Anne-Lyvia Tollinchi