"Je suis en colère contre l'Etat": l'avancée vers l'aide active à mourir ne réjouit pas tout le monde

Un pas de plus vers une forme d'euthanasie ou de suicide assisté. Emmanuel Macron a annoncé ce dimanche la présentation d'un texte de loi en Conseil des ministres début avril pour statuer sur la fin de vie et l'aide active à mourir. "Avec ce texte, on regarde la mort en face", assure le président de la République dans les colonnes de Libération et La Croix.
Les défenseurs de l'aide active à mourir se réjouissent de cette décision. "On est soulagés d'avoir enfin un calendrier", se félicite Jonathan Denis, le président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité.
Même soulagement pour Myriam, dont le frère a dû aller en Suisse à 47 ans pour obtenir une "aide à mourir" alors qu’il était atteint de la maladie de Charcot. "C’était clair pour lui, raconte-t-elle dans Apolline Matin ce lundi sur RMC et RMC Story. Nous n’avons pas pu assister à la prise de médicaments directement mais nous étions auprès de lui pour ses deux derniers jours."
Des euthanasies en Belgique remboursées par la Sécurité sociale française
Mais tout aurait pu être fait plus tôt, juge Myriam: "Je suis en colère contre l’Etat français. La dernière image que j’ai de mon frère, c’est son fauteuil roulant qui s’éloigne dans le hall de l’hôtel à Zurich. C’était il y a 18 ans".
"Pour rapatrier un corps de la Suisse à la France, c’est extrêmement cher. On a dû l’incinérer sur place et personne n’a pu y assister", ajoute-t-elle.
S'expatrier pour mourir, c'est ce qu'a dû faire aussi le père de Stéphane, mais cette fois-ci, en Belgique. Atteint d’une chorée de Huntington, "un mélange de Parkinson et d’Alzheimer", il avait toujours fait part de son souhait de bénéficier d’une aide active à mourir. "Il avait été placé à 60 ans en maison de retraite, il avait envie de sauter par la fenêtre. En Suisse, c’était trop cher, au Luxembourg il fallait attendre deux ans et en Belgique, ça a pu se faire".
"Le comble dans tout ça, c’est que c’est la Sécurité sociale qui a payé. Cela nous a coûté 25 euros. L’État belge a facturé une nuit d’hôpital qui a été remboursée. C’était pourtant marqué qu’il allait en Belgique pour une consultation d’euthanasie", poursuit Stéphane.
Aide à mourir pour pronostic vital engagé à "moyen terme"
Pour l'instant, la loi prévoit une sédation pour les patients dont le pronostic vital est engagé à court terme, auxquels il ne reste que quelques heures à vivre. Avec son projet de loi, Emmanuel Macron élargit les possibilités et parle désormais d'un pronostic vital engagé à moyen terme. Insuffisant cependant pour Jonathan Denis, le président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité.
"Personne n'est capable aujourd'hui de donner un pronostic vital engagé à une personne qui souffrirait de la maladie de Charcot. On dira à ces personnes de revenir plus tard parce qu'elles n'entrent pas dans le cadre de la loi? Elle serait obligée d'aller encore à l'étranger et ce serait un véritable échec après avoir attendu autant de temps", anticipe-t-il.
Et certains soignants se cabrent. "C'est pour nous soignants une révolution, on est formé pour améliorer la vie, pas pour y mettre un terme", déplore Pascal Meyvaert, médecin généraliste et président du Syndicat des médecins coordonnateurs en Ehpad. Lui et d'autres médecins insistent: bien accompagnée, la majorité des patients qui ont dit vouloir mourir reviennent sur leur demande. "Le gros souci aujourd'hui, c'est d'avoir des soins palliatifs dignes de ce nom". Le chef de l'Etat promet 1 milliard d'euros de plus sur dix ans. "Ridicule", tacle Pascal Meyvaert.