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Mort de la fille d'une fleuriste exposée aux pesticides: "Il faut se protéger", des professionnels s'inquiètent

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Le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides reconnaît pour la première fois un lien de causalité entre les pesticides des fleurs et une maladie humaine, comme révélé par Franceinfo. Une ex-fleuriste, fortement exposée durant sa grossesse, compte se battre en justice pour sa fille Emmy, morte à 11 ans en 2022 après une leucémie.

Laure Marivain veut alerter sur le danger des pesticides sur les fleurs et ceux qui les manipulent. Cette ancienne fleuriste a demandé ce mercredi, devant la cour d'appel de Rennes, la reconnaissance du préjudice subi par sa fille Emmy, morte à l'âge de 11 ans d'un cancer en mars 2022.

"Quand Emmy est née, elle ne pleurait pas", raconte Laure à Franceinfo, qui révèle l'affaire. "L'anesthésiste nous a dit qu'il y avait un problème avec le placenta, qu'il était carbonisé, tout noir. Et puis ses bilans n'étaient pas bons. Une sage-femme m'a même demandé si je m'étais droguée pendant ma grossesse", explique-t-elle.

La maladie d'Emmy, une leucémie aïgue diagnostiquée à 3 ans, est finalement liée à l'exposition de sa mère aux pesticides durant la grossesse. Laure ne l'a découvert que sur le tard, en creusant sur le sujet, voyant que l'arrêt des traitements du cancer causait des rechutes à chaque fois.

"J'ai compris que les fleurs étaient des tueuses invisibles", explique-t-elle.

Plus de 100 résidus de pesticides différents sur un même bouquet

Le lien de causalité a été officiellement reconnu par le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, qui propose d'indemniser les parents. C'est la première fois qu'une fleuriste est reconnue de la sorte.

Cette ex-fleuriste a été exposée dès ses 20 ans à de nombreux herbicides dans le cadre de sa profession. Une étude belge a révélé la présence de "plus de 100 produits de résidus de pesticides sur des bouquets de fleurs et sur les mains des fleuristes, et 70 résidus de pesticides dans leurs urines", comme l'explique l'avocate de la famille. D'autant que 85% des fleurs vendues en France viennent de l'étranger.

Des plantes qui sont toujours porteuses de pesticides une fois coupées, et une affaire qui commencent à inquiéter les professionnels du secteur. Dans sa petite boutique parisienne, Vincent compose un bouquet où les fleurs locales se mêlent à celles venues d'ailleurs. "Ce n'est pas clair, on ne sait pas avec quels produits ils les traitent", concède-t-il.

Des pesticides souvent non autorisés en Europe. Les roses, par exemple, viennent majoritairement du Kenya ou d'Equateur, et Vincent les manipule toujours à mains nues.

"Je ne mets pas de gants, j'ai prévenu mes apprentis qu'ils peuvent, mais ils ne le font pas non plus", reconnaît-il.

"Maman, tu dois te battre parce qu’on n’a pas le droit d'empoisonner des enfants"

Vincent a pourtant conscience du risque. Comme certaines écoles de fleuristes qui s'emparent désormais du sujet, raconte Guillemette, étudiante: "On a eu une intervention, mais on nous a surtout rassuré en disant que c'est réglementé. Il faut se laver les mains, ne pas ingérer...". Sans aller jusqu'à manger des fleurs, le simple fait de les manipuler n'est pas anodin.

"C'est bien d'en prendre conscience, d'informer, et de se protéger. Les agriculteurs le font quand ils manipulent leurs récoltes, il faut faire de même quand on travaille les fleurs", propose Hélène Taquet, cofondatrice du collectif de la fleur française. Elle plaide aussi pour l'affichage de la provenance des tiges, et l'harmonisation des normes entre les fleurs étrangères et européennes.

En attendant, Laure Marivain compte se battre en justice pour honorer la mémoire de sa fille et que personne d'autre ne subisse le même sort. Elle est portée par les mots d'Emmy, qui lui a dit un jour: "Maman, tu dois te battre parce qu’on n’a pas le droit d'empoisonner des enfants".

J.A. avec Solène Leroux