Plus d’un tiers de notre alimentation est tributaire de la pollinisation par les abeilles
Axel Decourtye, directeur scientifique et technique de l'Institut de l'abeille (ITSAP).
"Les abeilles sont toujours autant en danger. Quand on parle d’abeilles au pluriel, on évoque les abeilles domestiques, élevées par les apiculteurs, mais aussi les abeilles sauvages. Ces dernières sont en voie d’extinction car elles évoluent dans des habitats spécialisés. Elles se nourrissent sur des plantes spécifiques et ne se déplacent que sur quelques centaines de mètres.
Dans ces quelques centaines de mètres, elles doivent trouver un partenaire pour se reproduire, un site pour nidifier et de quoi se nourrir. Dès que l’habitat est perturbé, ce type d'abeille ne va pas trouver ces différentes ressources et sera alors en danger. Mais la dégradation de l’environnement n’est pas le seul facteur qui les mettent en danger.
"Les abeilles sont extrêmement fragiles"
Les abeilles sauvages ont un habitat beaucoup plus restreint. Elles vont, de fait, être plus gravement touchées. L’abeille domestique, qui vole quant à elle sur plusieurs kilomètres, est aussi en danger. Si elle est confrontée à une ressource de moins bonne qualité, elle va également être affectée. Les abeilles sont extrêmement fragiles et l’usage d’insecticides affecte notamment leur survie. D’autres stress comme les maladies, la pollution de l’air et toutes les pollutions qu’elles vont retrouver dans leur alimentation ou dans leur nid les touchent directement.
Les abeilles sauvages sont en voie d’extinction. Ce qui n’est pas le cas de l’abeille domestique, qui reste élevée par l’homme. L’abeille sauvage doit trouver un nid alors que la domestique a le gîte assuré par l’apiculteur. Pour autant, elles doivent toutes les deux bénéficier d’une alimentation de qualité, abondante et pas polluée par des produits chimiques. Elles doivent également lutter contre certaines maladies, les parasites et les aléas climatiques.
La seule vraie différence entre la sauvage et la domestique est que 80% des sauvages sont solitaires. Un seul individu doit assurer la reproduction, l’alimentation des larves pour la génération suivante alors que l’abeille domestique est sociale. Si vous touchez une abeille domestique, vous ne mettez pas en péril l’ensemble de la colonie alors que si vous tuez une abeille sauvage, elle ne va pas pouvoir transmettre ses gènes à la génération suivante. Et cela cause alors de plus grosses pertes. Des pertes qui peuvent aller jusqu'à toucher l’homme.
"Il est primordial de les protéger"
Les abeilles sont des insectes pollinisateurs qui permettent aux plantes à fleurs de se reproduire. Elles transmettent le gamète mâle (le pollen) vers la gamète femelle (l’ovaire). Cela permet d’assurer la production de fruits et de graines. Plus d’un tiers de notre alimentation est tributaire de la pollinisation par les abeilles. On touche à des enjeux économiques car sans elles, on ne produit pas cette alimentation. On touche aussi à des enjeux de santé publique puisque cette diversité d’alimentation permise par les abeilles est liée à notre santé. Il y a d’autres conséquences qui ne sont pas d’ordre marchandes. Je pense par exemple aux paysages fleuris. Nous sommes tous contents d’avoir des fleurs dans nos campagnes. C’est grâce à nos abeilles.
Il est donc primordial de les protéger. Il faut diminuer l’usage des pesticides car c’est un stress important pour elles. Moins vous allez en utiliser, plus vous favoriserez la flore des abeilles et par conséquent, leur survie. Elles ont besoin de ressources alimentaires, de fleurs de qualité. Préserver la flore et les sites de nidification est extrêmement important."