"Quelques jours après, il était décédé": l'alerte d'un pharmacien sur la pénurie de médicaments

Mardi, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de relocaliser, d'ici cinq ans, en France la production d'une cinquantaine de médicaments, dont 25 considérés comme essentiels. Parmi eux, des antibiotiques, des corticoïdes, des anti-cancéreux ou des anesthésiques. Tous, plus ou moins sujets à des pénuries. Tous feront partie d'une liste dont les industriels devront avoir quatre mois de stock.
En attendant la mise en application de ce plan, les pénuries de médicaments continuent. Si la situation s'est améliorée depuis cet hiver, plusieurs molécules sont toujours indisponibles en pharmacie dont certains sirops antibiotiques pour enfants, nécessitant plus d'hospitalisations infantiles.
"Le médicament n'était pas disponbile"
Pour les séniors aussi, la situation peut être grave. C'est ce qui s'est passé pour un patient de René-Pierre Clément. Ce pharmacien de Thionville (Moselle) a été confronté aux conséquences graves de cette pénurie, pendant les fêtes de fin d'année 2022: alors qu'un de ses patients, âgé, "n'était pas bien". "Depuis plusieurs jours, il attendait la visite du médecin. Le vendredi avant Noël, le médecin arrive, fait sa prescription."
"Je reçois l'épouse à la pharmacie et je constate que le médicament, l'Augmentin ou son générique n'est pas disponible. Je prends contact avec son médecin qui m'indique d'utiliser un autre antibiotique", raconte-t-il, ce mercredi, dans Apolline Matin sur RMC et RMC Story.
Mais l'état de son patient ne va pas en s'améliorant. Bien au contraire, le lendemain, le samedi, "l'épouse revient, car l'état de son mari s'était extrêmement dégradé": "Je lui dis d'essayer de recontacter le médecin ou de prendre contact avec les urgences. Sauf que les urgences de Dijon ville étaient fermées", raconte le pharmacien
Quelques jours après les fêtes de fin d'année, je lis dans le journal que le patient était décédé faute d'une prise en charge adaptée."
"Le système de santé est sous tension"
Le récit tragique de ce pharmacien, aussi président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine dans le Grand Est, montre selon lui des "manquements extrêmement importants dans la chaîne de soins, dans la chaîne d'approvisionnement des médicaments et que les soignants sont en souffrance."
"Notre travail est complexifié, le travail du médecin est complexifié et les urgences, qui ne devraient pas à avoir traité de ce type de cas, font face à un afflux de patients. Le système de santé dans son ensemble est sous tension et que les difficultés d'accès aux soins sont des réalités pour l'ensemble des Français" estime René-Pierre Clément.
Le pharmacien constate toujours des pénuries, qui l'obligent "cinq à dix fois par jour", à devoir contacter les médecins, trouver des alternatives parmi les molécules disponibles pour trouver des solutions face à la pénurie. Il dénonce aussi une pénurie minimisée par les pouvoirs publics. Il espère, face à un processus "qui va prendre du temps" avec les relocalisations, ne pas avoir à revivre ce qu'il a vécu à Noël dernier, où un patient aurait pu être sauvé s'il n'y avait pas eu de pénurie.