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Santé

"Si ça continue encore un an ou 18 mois, on va tous finir en psychiatrie": l'inquiétude des médecins face à la deuxième vague de coronavirus

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Le service de réanimation de l’hôpital de Montfermeil en Seine-Saint-Denis n’est pas en tension selon la direction. Pour autant, la menace d'une seconde vague épidémique est bien dans les esprits.

Jacqueline a 73 ans. Elle est là, assise sur l'unique chaise de ce couloir aux murs gris et blanc. Blancs comme la blouse, le masque et la charlotte qu'elle a dû revêtir. Car Jacqueline va bien. Elle est venue au chevet de son fils de 44 ans, infecté par le coronavirus, et intubé trois jours plus tôt car il n'arrivait plus à respirer. 

“J'aurais préféré être à sa place. C’est normal qu’une maman parte avant son enfant. Dieu merci, ça va on a un peu d'espoir. Il va s’en sortir avec beaucoup de soins et avec des séquelles, aussi malheureusement. C’est une maladie très dangereuse. La seule chose qui compte, c’est de prendre toutes les mesures nécessaires et respecter les gestes barrières”, explique-t-elle. 

Car le fils de Jacqueline n'est pas le seul à être alité. Dans la chambre attenante, un homme, la soixantaine, sous assistance respiratoire, est hospitalisé depuis trois semaines. Il faut réaliser une dialyse. C'est Marina, infirmière depuis quatre ans dans le service, qui s'en charge. 

“Ses reins ne fonctionnent pas normalement, on va être obligé de les aider. Pour lui, c’est un long parcours qui est en train d’avoir lieu et il reste encore beaucoup de travail”, indique-t-elle. 

Jusqu'à quatre lits occupés en moyenne par des patients Covid, sur les 10 dont dispose le service et ce, depuis la fin du mois d'août. Les équipes peuvent à nouveau prendre en charge des malades qui ne sont pas contaminés.

Inquiétude pour la suite

Un homme inconscient, victime d'un AVC, doit être retourné sur le dos, pour mieux respirer. L'opération s’est bien passé. Pas de repos, mais un peu de répit pour ces soignants éprouvés par la première vague. De quoi permettre au sourire de revenir sur les visages, comme celui de Marina. “Moi, je vais bien, je pense qu’on va tous bien. Le fait que l’activité soit redescendue un petit peu ça a fait du bien à tout le monde. On croise les doigts pour que ça n’aille pas au-delà de ce qu’on vit aujourd’hui”, confie-t-elle. 

La crainte de ne pas tenir le choc sur la durée. Dany Tolédano, qui dirige ce service de réanimation, la partage. D'autant que les restrictions dans la sphère sociale réduisent les possibilités, pour ces soignants, de se changer les idées. 

“Si on nous referme tout dehors, ça va être moralement difficile. Il va falloir qu’on arrive à organiser les choses pour qu’on continue à vivre. Parce que si ça continu encore un an ou 18 mois, on va tous finir en psychiatrie et pas malade du covid”, indique-t-elle. 

La journée se termine dans le calme. La cadre de santé passe devant les deux chambres vides du service... C'est rassurant, mais dans une heure cela peut changer, assure Sylvie Marie. “Demain matin quand j'arriverai, il y aura peut-être un patient Covid”, précise-t-elle.

Benoît Ballet et Bettina de Guglielmo avec Guillaume Descours