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Suicide d'une résidente dans un Ehpad: "Le côté humain a été oublié”, dénonce une soignante

Témoignage RMC. Après le suicide d'une résidente d'un Ehpad Emera à Grasse, Sandra, soignante dans l'établissement, a accepté de se confier à RMC. Elle dénonce une politique du chiffre de la part de la direction qui fait germer un sentiment d'impuissance chez les soignants.

Drame dans un Ehpad du groupe Emera, à Grasse (Alpes-Maritimes). Une pensionnaire de 80 ans s’est défenestrée et a été tuée sur le coup, le 26 août dernier. Un suicide, selon l'enquête procédurale de police. Un drame qui a ému le personnel soignant, mais surtout les résidents et leurs familles. Ils dénoncent des conditions dégradées depuis presque deux ans dans cet Ehpad où vivent 140 résidents environ. Dans une lettre anonyme, ils pointent du doigt le manque de personnel, des aides-soignantes irrespectueuses, des soins approximatifs, de la mauvaise nourriture... Les familles étant aussi parfois obligées de faire la toilette des résidents. Un établissement pourtant présenté comme "haut de gamme".

Le sentiment d'impuissance reste vif chez les soignants de l'Ehpad. “On se sent tous coupables, même si on n’a jamais voulu ça. C’est un échec d’équipe”, indique Sandra, qui côtoyait chaque jour cette résidente qui a mis fin à ses jours, au micro de RMC.

"J’ai toujours dit que la pire des maladies, c’est l’ennui. C’est une personne qui aimait parler, discuter, qu’on s’occupe d’elle. Mais on n'a plus ce temps-là. Beaucoup de résidents sont dans cette situation. Ils ne parlent plus, ils n’ont plus le goût à rien, ils attendent. Car pour nous, en tant que soignant, c’est horrible à voir et à vivre. On se sent impuissant”, confie-t-elle.

"Du chiffre, du chiffre, du chiffre"

Ces deux dernières années, cette aide-soignante de cet Ehpad privé a vu ses conditions de travail se dégrader. Aujourd'hui, ce drame la presse de dénoncer le silence de sa direction.

“On leur dit qu’on est dépassé, que l’on ne peut pas apporter ce dont le résident a besoin au quotidien par manque d’effectif, et ils nous disent qu’ils n’ont personne. Mais quand on regarde dans notre entourage, on s’aperçoit que les CV qu’on a amenés, les gens n’ont jamais été appelés. C’est du chiffre, du chiffre, du chiffre. Et du coup, des fois, on en arrive à des cas de maltraitance. Il y a le côté humain qu’on a complètement oublié”, pointe cette soignante.

De son côté, la direction du groupe Emera annonce avoir mis en place une cellule d'écoute psychologique dans l'Ehpad. Elle annonce aussi deux recrutements prévus cet automne: une infirmière et un médecin coordinateur.

Maryline Ottmann avec Guillaume Descours