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Ehpad: le secteur dans une crise économique grave et profonde

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Alors que la population vieillit de plus en plus, les Ehpads connaissent une période difficile. Coûts en hausse, recettes en chute libre: la plupart sont en déficit voire au bord de la faillite. Le système est à revoir et les solutions ne sont pas à la hauteur.

"Les Ehpads au bord de l'asphyxie": la Une du journal Le Monde, mardi, est parfaitement explicite. En France, 7500 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpads) accueillent un peu plus de 600.000 personnes âgées dépendantes. Ces établissements traversent une crise économique sans précédent. Leurs recettes sont en chute libre, le nombre de lits inoccupés a battu un record cette annéeavec: 20.000 places sont vacantes.

Cette crise est en grande partie due de la perte de confiance des familles depuis les révélations du livre de Victor Castanet, "Les Fossoyeurs" sur le groupe privé Orpéa, mais aussi depuis l’épidémie de Covid, responsable du décès de près de 30.000 résidents.

Laurent Neumann : De plus en plus d'Ehpad au bord de l'asphyxie financière - 23/08
Laurent Neumann : De plus en plus d'Ehpad au bord de l'asphyxie financière - 23/08
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Des coûts en hausse avec l'inflation

Les Ehpads connaissent donc une baisse des recettes record et dans le même temps, voient les coûts grimper avec l'inflation: hausse des prix de l’alimentaire pour les repas, hausse des coûts de l’énergie, inflation sur les produits d’hygiène… tout augmente. Il faut ajouter à cela les difficultés à recruter et la nécessité de recourir à l’intérim, beaucoup plus cherère, vous avez tous les ingrédients d’une crise grave et durable.

De plus, à ce jour, l’Etat n’a compensé ni les revalorisations salariales issues du Ségur de la Santé, ni la hausse du Smic et du point d’indice des fonctionnaires. Le ministère des Solidarités promet 553 millions d’euros de rattrapage dans le budget 2024. En attendant, 85% des Ehpads publics sont en déficit. Les Ehpads privés à but non lucratifs sont au bord de l’asphyxie. Au moment où il manque sans doute en France des milliers de places, des Ehpads ferment et vont encore fermer dans les mois à venir.

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Une loi de nouveau reportée

Ce manque d’argent est d’autant plus grave qu’il y a, depuis les révélations du livre de Victor Castanet, une demande accrue de qualité et de sécurité pour protéger les résidents. Les Ehpads manquent d’argent mais surtout de personnels, à commencer par des aides-soignants, des infirmières, des médecins référents.

Pendant ce temps-là, la loi "Bien vieillir" a de nouveau été reportée. La nouvelle ministre des Solidarités et de la Famille, Aurore Bergé, dit souhaiter une adoption de la loi à l’Assemblée Nationale d’ici fin 2023. Mais cette loi ne contient aucune réforme structurelle à la hauteur de l’enjeu. Elisabeth Borne a bien annoncé en juillet la création d’un fonds d’urgence de 100 millions d’euros, mais le seul écart entre l’inflation et les hausses de tarifs laisse un trou béant d'un milliard d’euros.

Quelles solutions?

Plusieurs solutions sont évoquées mais aucune n’est vraiment satisfaisante. L'idée d'augmenter les tarifs ne tient pas la route: 76% des résidents ont des revenus inférieurs aux tarifs de leur établissement. Une autre solution, préconisée par un rapport remis à Elisabeth Borne le 26 juillet par la députée socialiste du Puy de Dôme Christine Pirès-Beaune, est de créer une contribution obligatoire payée par la famille du résident en fonction de ses moyens. Mais il n'est pas certain que cette solidarité familiale imposée par l’Etat soit très populaire

En vérité, on ne s’en sortira pas sans un mécanisme de solidarité nationale, comme on l’a fait pour la santé. Or, aucun gouvernement, ni celui-ci ni les précédents, n’a pris la mesure du vieillissement inexorable de la population, de l’augmentation exponentielle du nombre de personnes âgées dépendantes et de l’explosion des besoins de médicalisation liée à la perte d’autonomie. Juste un chiffre : en 2040, deux millions de personnes âgées seront en situation de dépendance, soit 700.000 de plus qu’aujourd’hui. Une société qui s’occupe mal de ces "vieux", c’est-à-dire des plus faibles, est une société qui va très mal.

Laurent Neumann