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"Un cauchemar sans fin": le témoignage de Sofian, paralysé des jambes à cause du protoxyde d'azote

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L'Assembée nationale se penche ce mardi sur la vente en accès libre du protoxyde d'azote. Ce "gaz hilarant", utilisé à l'origine en milieu médical et en cuisine, peut avoir des conséquences terribles. Paralysé des deux jambes, Sofian témoigne sur RMC.

"J'en consommais 2 ou 3 bombonnes par jour. Je mettais peut-être 600 euros dans des bombonnes chaque mois." Sofian souffrait d'addiction au protoxyde d'azote ou "gaz hilarant", dont la consommation a extrêmement augmenté ces dernières années, principalement chez les jeunes. L'âge moyen des consommateurs, qui contournent l'usage de ce produit utilisé en milieu médical et en cuisine, est de 22 ans.

Pendant trois années, il en consomme régulièrement, gonfle des ballons avec ces bombonnes, puis inhale l'air qui se trouve à l'intérieur. "Vous voyez ce sentiment quand vous êtes heureux, vous avez cette petite palpitation au niveau du corps. Ça procure ça. Du coup ça fait rigoler", raconte Sofian.

"Je n'ai plus du tout le sens du toucher"

Ces sensations, qui durent quelques minutes, vont déclencher son addiction. À chaque inhalation, Sofian cherche à ressentir de nouveau ces effets. Jusqu'au ballon de trop, il y a un an. Le jeune consommateur se retrouve aux urgences, et le diagnostic tombe: un de ses poumons a lâché. Après une semaine en réanimation, Sofian rentre chez lui. Mais le lendemain, les choses s'empirent:

"Directement quand je suis sorti du lit, je suis tombé par terre. Ça a été le début d'un cauchemar sans fin."

Sofian est en réalité paralysé des deux jambes. Impossible de faire quoique ce soit avec ses jambes. Depuis, il estime avoir récupéré 40% de ses capacités, mais le chemin est encore long: "Je peux marcher mais c'est épuisant. Je ne peux pas faire de grandes distances. Je n'ai plus du tout le sens du toucher. Je n'ai vraiment plus d'équilibre."

Alerter les jeunes et les parents

Alors désormais, Sofian veut alerter les jeunes, surtout, mais leurs parents aussi: "Il faut qu'ils observent un peu plus leurs enfants quand ils rentrent. Leur peau. Les lèvres, elles deviennent mauves. Le ton de la voix aussi, parce que quand vous faites des ballons, ça rend la voix plus grave."

En cas d'apparition de ces symptômes, il est conseillé de contacter un médecin pour demander de l'aide, ou d'appeler drogues infos services, un numéro d'urgence et de conseils gratuit et anonyme.

Ces réflexes peuvent notamment prévenir des cas graves, comme celui de Sofian. Sur son site internet, l'Agence régionale de santé des Hauts-de-France liste les risques auxquels s'exposent les consommateurs. D'abord des risques immédiats tels qu'une "asphyxie par manque d'oxygène, une perte de connaissance" et des "vertiges, désorientations et risques de chute".

En cas d'utilisation régulière ou à forte dose, les consommateurs s'exposent à des "carences" qui peuvent entraîner "des atteintes de la moelle épinière et une anémie, des troubles psychiques" selon l'ARS.

Vers une interdiction en vente libre?

Pirate, 17 ans, prenait lui jusqu'à 10 bonbonnes par jour. L'année dernière, il se réveille un matin paralysé et aveugle d'un œil. Sur RMC, il veut aussi alerter: "Franchement ça ne vaut pas le coup du tout. J'ai failli mourir. Ce n'est même pas dangereux, c'est la mort en personne. Les gens, ils rigolent, ils se disent 'ah des bonbonnes' mais en fait, ils ne sont pas conscients que c'est du gaz”, témoigne-t-il.

“Tu t'injectes du gaz dans le cerveau. Je voyais des cas devant moi en fauteuil roulant, ils me disaient 'arrête' et je m'en foutais. Jusqu'au jour où ça m'est arrivé. Ça m'a détruit ma vie, ça a détruit mon lien avec ma famille, ça a tout détruit. Et franchement, ils devraient l'interdire."

Ce "gaz hilarant" pourrait justement bientôt ne plus être vendu en accès libre pour les particuliers. Les députés se penchent sur la question dans l'hémicycle mardi. L'objectif est de limiter l'usage du protoxyde d'azote aux professionnels, et ce dans le but d'éviter que les jeunes, notamment, continuent à en consommer.

À l'origine, le protoxyde d'azote est utilisé dans le milieu médical pour endormir et calmer les douleurs, mais aussi dans la cuisine pour les siphons de chantilly par exemple. Cette dernière utilisation explique sa présence dans les rayons des grandes surfaces ou sur internet.

Solène Leroux (avec TRC)