Une famille défie Bayer-Monsanto et le glyphosate, accusés d’être à l’origine des malformations de leur fils

Le tribunal de Vienne, en Isère, devait rendre ce jeudi une conclusion inédite sur un dossier dans lequel une famille accuse Monsanto d'être responsable des graves malformations de leur fils, Théo Grataloup. Mais elle a débouté la famille Grataloup qui a décidé de faire appel
Le jeune homme de 18 ans est né avec des malformations de l'œsophage et de la trachée. Depuis sa naissance, il a subi 55 opérations. Il vit désormais avec une trachéotomie et n'a pas de corde vocale.
Sa mère estime que ses problèmes de santé sont liés à une exposition au glyphosate, un herbicide controversé de la multinationale rachetée par Bayer, qu'elle a utilisé lorsqu'elle était enceinte.
David contre Goliath
En 2006, Sabine Grataloup asperge ses mauvaises herbes de glyphosate durant l'été. A l'époque, elle est enceinte sans le savoir. Quelques mois plus tard, son fils né avec des malformations. "Il a été nourri par sonde jusqu'à ses six ans", raconte-t-elle au micro de RMC.
"Au début, on était vraiment focalisés sur sa survie, puisque c'est vraiment ça dont on parle et on s'est ensuite aperçu qu'il avait été exposé lorsque mon épouse était enceinte", explique son père, Thomas Grataloup, dans Apolline Matin.
S'engage alors un combat contre Bayer-Monsanto, à l'image de David contre Goliath. Pièces échangées, conclusions, études... Les parents de l'adolescent ont été épaulés par des scientifiques.
"On a eu la 'chance' d'avoir l'affaire des Monsanto Papers qui a pu dévoiler tout un tas d'études et de pratiques de Monsanto à l'époque", ajoute Thomas Grataloup.
En parallèle, le glyphosate a été interdit en France fin 2018 pour un usage domestique. Classé comme un "cancérogène probable" par l'OMS, son approbation en Europe a toutefois été renouvelée en 2023 pour 10 ans "sous réserve de certaines conditions et restrictions".
Une reconnaissance de la responsabilité de Monsanto
Au cours de ce bras de fer, alors que Bayer-Monsanto estime qu'il n'existe pas de preuve scientifique et refute la dangerosité de son glyphosate, les parents du jeune homme ont pu présenter un argument de taille. Les experts du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides ont reconnu en 2022 un lien entre le glyphosate et les malformations de Théo.
"Ce sont des experts dont la compétence est incontestable, donc c'est un niveau de preuves très fort", avance Sabine Grataloup.
Aujourd'hui, avec ce procès, les parents de Théo espèrent que la multinationale fera face à ses responsabilités.
"Ce qui est important, c'est qu'il y ait une reconnaissance de la faute de Bayer-Monsanto et que ça puisse être utile à d'autres en France et dans le monde", indique Thomas Grataloup.
En 5 ans, Bayer a dû verser plus de 10 milliards de dollars à des utilisateurs du glyphosate atteints de cancers. En France, ce dossier présenté au tribunal est le premier procès au monde en cas de malformations en lien avec cet herbicide.
"Pour ce qui est des cancers ou des lymphomes, il y a eu des tas de procès aux Etats-Unis et dans d'autres pays qui ont amené à ce que Monsanto soit jugé responsable. Sur les malformations, c'est un sujet nouveau, qui pourrait ouvrir une jurisprudence et pourrait servir par la suite à d'autres familles", ajoute le père de Théo.
Il constate en outre que sa famille n'est plus seule dans ce combat, alors même que la population s'oppose "aux législations qui permettent aux lobbys de continuer de polluer notre eau, ce que l'on mange et ce que l'on respire", et en marge de la pétition record contre la loi Duplomb.
Mais le tribunal a tranché ce jeudi, rendant un avis non-favorable à Théo Grateloup et sa famille qui a décidé de faire appel. Et cela reste une victoire pour Sabine Grataloup: "Quoi qu'il advienne, on se dit qu'on a été entendus".