Gros salaires, temps de travail réduit: les contrôleurs aériens sont-ils vraiment des "privilégiés"?

Des avions cloués au sol et des passagers empêchés de partir en vacances. En raison d'une grève des contrôleurs aériens, le trafic est très perturbé dans les aéroports français. A l'appel de deux syndicats minoritaires d'aiguilleurs du ciel l'Unsa-Icna (17% des voix aux dernières élections professionnelles) et l'Usac-CGT (16%), les contrôleurs aériens impactent les vols dans le ciel français.
Ce jeudi sur RMC, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, s'en est pris à ces grévistes "privilégiés": "Il faut arrêter, surtout de la part de personnes privilégiées", assure l'élu évoquant "des personnes qui ont des salaires qui atteignent parfois 9.000 euros par mois".
Mais qu'en est-il vraiment? Il faut d'abord connaître le métier. Les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (Icna) doivent assurer le trafic aérien et éviter les accidents d'avions, notamment les collisions. Cela nécessite une concentration optimale: "Les gens ne s'en rendent pas compte mais souvent, des avions se frôlent", explique sur RMC Story Paul, contrôleur aérien.
96.000 euros par an
C'est notamment pour cela que les contrôleurs aériens, qui sont 1.400 en France, figurent bien parmi les fonctionnaires les mieux payés, avec un salaire brut moyen "de l'ordre de 96.000 euros par an, soit environ 8.000 euros mensuels", selon un rapport du Sénat d'octobre 2024.
"Le contrôleur aérien ne ramène pas de travail à la maison et profite pleinement de son temps libre. Peu de métiers avec ce niveau de rémunération (salaire moyen de 5.000 euros brut en début de carrière) offrent cette possibilité", peut-on lire sur le site de recrutement devenir.controleuraerien.fr.
Un jour travaillé = un jour de repos en plus
Ce n’est pas tout. Pour permettre une concentration totale, les aiguilleurs du ciel ont un rythme de travail aménagé. Ils travaillent en moyenne 32 heures par semaine et vont jusqu'à 36 heures en période de forte activité. Un temps de travail qui comprend de nombreuses pauses. Selon la Direction de l’aviation civile, un contrôleur tiendra ainsi son poste un maximum de 2h30 sans pause puis bénéficiera de 30 min au moins de temps de repos. Pour un jour travaillé, les contrôleurs aériens bénéficient enfin d'un jour de repos en plus des 25 jours de congés payés.
"C'est justifié par les conditions de travail", souligne sur le plateau d'Estelle Midi Arnaud Aymé, spécialiste des transports chez SIA Partners. "Il y a une pénibilité, c'est stressant, il faut travailler le soir, le week-end et ils ont beaucoup de responsabilités", rappelle-t-il.
Quant à l'âge de départ à la retraite, il est anticipé et se fait à 59 ans, selon une directive européenne.
Des badgeuses pour contrôler le temps de travail
La grève des aiguilleurs du ciel se focalise contre une réforme en cours pour établir un pointage des contrôleurs aérien à la prise et la fin de poste après un "incident grave" à l'aéroport de Bordeaux fin 2022, quand deux avions avaient failli entrer en collision.
Et c'est ce pointage qui pose problème, car il y aurait de l'abus chez certains contrôleurs: "Dans les plus grands centres de contrôle, ils ont tenté d'imposer la badgeuse pour contrôler les temps de travail. Pour contrer cela, on s'organise pour passer les badges des uns et des autres, avec des astuces variées selon les équipes", explique au Point un autre contrôleur aérien.
En attendant un accord, ce vendredi près de 40% des avions sont cloués au sol dans les aéroports d'Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle et un vol sur deux est annulé à l'aéroport de Nice.