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Indemnisation des retards et des préjudices indirects: "La SNCF freine des quatre fers depuis des années"

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Votre TGV est en retard. Vous ratez votre correspondance, votre croisière, votre vol Paris-Djakarta. La SNCF est-elle responsable? Au moins un peu, pour l'association de consommateurs CLCV. Outre des indemnités en cas de retard ou d'annulation, elle réclame la prise en compte de la myriade de préjudices indirects. Son délégué général, François Carlier, s'explique pour RMC.fr.

François Carlier est délégué général de l'association CLCV (Consommation, logement, cadre de vie)

"Pour l'instant, la SNCF rembourse le préjudice direct de ses retard. Enfin, pas parfaitement. Mais elle s'en occupe. En revanche, elle ne s'occupe pas des préjudices indirects. Classiquement, quand il y a une grande panne de l'été comme celle de la gare Montparnasse, le voyage en train n'est souvent qu'une partie d'un voyage plus long. Avec des prestations touristiques: réservations, croisières…

"La responsabilité de la SNCF est engagée"

Quand un retard est aussi important, c'est la responsabilité de l'entreprise qui est engagée. Nous proposons de tendre vers qui se fait dans le transport aérien: lorsqu'un vol est annulé ou qu'il a un retard de plus de 3 heures, le billet est remboursé, et s'applique un barème d'indemnités. Pour les vols de 1.500 kilomètres - ce qui s'approche des trajets de la SNCF - il est de 250 euros d'indemnisations. Parfois, les gens vont devant les tribunaux pour obtenir plus.

Beaucoup de passagers vont de la province à Paris pour prendre un avion. Plus que les vols ratés, il y a les prestations touristiques, les croisières… Des gens qui avaient un tour organisé quelconque, des randonnées de 4 jours. Quand ils sont deux jours de retard, c'est fini. Il ne s'agit pas de dire que si un couple a loupé son Paris-New York avec 7 jours d'hôtel, la SNCF doive tout rembourser rubis sur ongle.

"L'étendre aux préjudices moraux?"

Et cela pourrait être étendu aux préjudices moraux. Un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a reconnu la notion de préjudice moral pour un passager de la compagnie Air Espana qui avait perdu ses vacances. Du coup, elle a jugé qu'il fallait aller au-delà de l'indemnisation de 250 euros. Mais nous n'en sommes pas encore là.

Pour des raisons juridiques, nous voulons que les voyageurs aient l'option de faire figurer toutes les étapes de leur voyage en réservant leur billet. Car quand on va dans les tribunaux pour ce type de préjudices, généralement, on perd. Au motif que le préjudice n'était pas prévisible par l'opérateur. L'idée serait donc de le signaler à la SNCF avant, ce qui impliquerait un changement de politique. Elle pourrait savoir pour chaque train quel est le degré d'engagement, et qu'elle se cale au niveau logistique.

Pour un train Lyon-Paris le 1er août, on se doute qu'il y a de nombreux Lyonnais qui viennent prendre un avion. Ce sera moins le cas pour un Paris-Rennes en octobre.

"Silence radio du côté de la SNCF"

La SNCF freine des quatre fers depuis des années. On a transmis nos demandes à la ministre, au président de la SNCF, on les sent réticents. Je pense qu'ils doivent réaliser qu'avec la concurrence entre les différents types de transport, l'absence de garanties joue.

A mon avis, l'indemnisation des préjudices indirects peut rentrer dans les moeurs, surtout que c'est dans l'intérêt du client.

Lors de la panne de la gare Montparnasse, on est intervenus pour dire de faire fi de la réglementation. De faire un geste pour le préjudice. Ils ne l'ont pas fait. Rien, silence radio total. Normalement, en cas de gros incident, on a au moins une réponse polie. Cela relève d'une bonne politique commerciale et de la considération qu'on apporte à l'usager.

"Le vent de l'histoire nous est favorable"

Je suis optimiste dans la durée, c'est typiquement le genre de sujet où le droit du consommateur l'emporte. On a réclamé des années le droit à pouvoir résilier son assurance à tout moment et une quatrième licence de téléphonie mobile. Cela a mis des années mais c'est arrivé.

Les Anglais ont mis au point en 2015 le principe de préjudice indirect dans les domaines aériens, ferroviaires… Le vent de l'histoire nous est plutôt favorable."

Propos recueillis par Paul Conge