Les "rodéos urbains" plus durement sanctionnés? "Mettre des amendes ne nous empêchera pas de rouler"

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Pack, 36 ans, est biker depuis des années en Ile-de-France. Il est l'animateur du Dirty Riderz Crew, un collectif de cross-bitume implanté depuis quatre ans en région parisienne.
"Ce délit pour "rodéo motorisé" c'est n'importe quoi. Alors qu'on essaie, nous, de trouver des solutions en mettant des structures et des terrains à disposition des bikers, eux ils trouvent des solutions pour pourrir les gens. Mettre plus de contraventions, ça n'empêchera pas les gens de rouler.
Un exemple tout bête. Je suis parti rouler aux Etats-Unis plusieurs fois. La peine pour "rodéo urbain" là-bas, c'est 3 ans de prison, 50.000 dollars d'amende et destruction du véhicule. Mais d'année en année, quand j'y allais, il y avait de plus en plus de monde à moto dans les rues.
Des municipalités comme Baltimore ou Cleveland ont pris les devants: elles ont construit des parcs urbains où les bikers peuvent tourner. C'est dans des endroits fermés, et c'est archi-bien. Il y a pas de risque - à part celui de tomber - ni avec les voitures, ni avec la police, ni de renverser quelqu'un.
"Les footballeurs ont un terrain pour jouer, nous non"
Si demain ils interdisent le foot, ils pensent sincèrement que les footballeurs vont arrêter de jouer? Le cross-bitume, c'est la même chose. C'est un sport. C'est un phénomène. Les bikers sont piqués, comme des footballeurs. Certains le font par mode, mais d'autres sont accros. Ils aiment ça, ils le font depuis dix ans. Ils vont pas arrêter à cause des amendes. Les footballeurs ils ont un terrain pour jouer. Nous non.
S'ils se mettent à intercepter quelqu'un pour confisquer sa moto, les bikers ne vont plus s'embêter à acheter des motos en règle. Ils achèteront des motos volées, ne s'arrêteront plus devant les flics alors qu'aujourd'hui il y a très peu de délits de fuite. C'est une prise de risque pour les policiers, pour les mecs sur les motos, et pour les gens autour.
On s'embête à aller jusque dans une zone industrielle le dimanche pour rouler tranquillement sans gêner personne. Et les gendarmes viennent jusque-là pour nous dégager. Ils cherchent juste à nous empêcher de rouler. Même quand on roule dans les champs, sans gêner les gens, ils parlent de "rodéo urbain". Ils ne font pas la distinction.
"J'ai écrit un courrier au préfet, zéro réponse"
Si on fait ça, c'est parce qu'on n'a pas de structure. Voilà longtemps qu'ils auraient pu en bâtir à l'écart de tout. Et à chaque fois qu'on essaie de fournir une solution, ils nous ignorent J'ai proposé qu'on mette une tente de la sécurité civile, qu'on payerait par nos propres moyens. J'ai envoyé un courrier au préfet de l'Essonne; un autre à la mairie d'Issou (78). A chaque fois, zéro réponse. On leur fournit des solutions clé en main, ils mettent des oeillères.
Après, si certains continuent à faire ça dans le trafic, ils auront raison de leur taper sur les doigts. Ils mettent en danger les gens et ils se mettent en danger eux-mêmes sur la route. Et beaucoup en sont conscients.
"J'ai rien contre les policiers"
Mais au lieu de trouver des solutions, et que les petits jeunes soient encadrés, ils verbalisent. J'ai pris beaucoup de prunes. Quand on se fait interpeller, c'est 38 euros. La dernière fois, j'ai pris 90 euros parce que je n'avais pas un casque homologué.
Mon quad est déjà parti en fourrière. Mais la bécane n'est pas confisquée. Quand elle est en règle, ils font une levée. Ils ne vont pas confisquer nos bécanes. On est France, on n'est pas en Inde ou je ne sais pas où. On a des droits. J'ai mes papiers.
Il y a trois ou quatre ans, on était à peu près tranquille quand on allait dans les ZAC, les keufs passaient, il n'y avait rien. Aujourd'hui, il n'y a presque plus de dialogue. Les maires leur foutent la pression. Moi je n'ai rien contre eux.
"Que des gens de différentes cités roulent ensemble; c'est pas dans leur intérêt"
Il faut qu'ils comprennent que ceux qui font du crossbitume, ce sont des gens des villes, des campagnes, ce n'est pas restreint aux banlieues. C'est un phénomène mondial: Angleterre, Espagne, Caraïbes, Amérique du Sud, Asie, Afrique du Nord, Sénégal, Mali, ça commence à le faire à fond.
Ce phénomène n'a rien à voir avec la banlieue. Il y en a qui viennent de Belfort, de Perpignan, pour rouler avec nous à Paris. Parmi les bikers, il y a des gens de belle famille. Eux, ils sont restés bloqués sur l'image de mecs de cités, parce qu'en bas des HLM, il y a des petits jeunes qui font pareil avec des bécanes de cross.
La moto, c'est du lien social. A Baltimore, quand on se retrouve, il y a des Noirs, des Blancs qui roulent ensemble. Avant, entre New York et Baltimore c'était la guerre. Aujourd'hui, c'est comme si de rien n'était. C'est la moto qui a permis tout ça.
En France, c'est pareil. Il y a quelques années, il y avait des histoires de cité, des rivalités. C'était compliqué à l'époque de mettre ensemble des gens du 93 et du 94. Aujourd'hui, il y a des mecs de tous les départements, tous ensemble, et pas de vol de motos. Tourner en moto, ça a renoué des liens entre Clichy (92) et Montfermeil (93). Mais ça les emmerde parce que ce n'est pas dans leur intérêt que les gens s'unissent."