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Retirer le permis aux conducteurs positifs aux stupéfiants: la proposition de Darmanin fait débat

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Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a proposé dimanche de durcir les sanctions imposées aux conducteurs ayant obtenu un résultat positif après avoir subi un dépistage pour l’alcoolémie ou la prise de produits stupéfiants. Au lendemain de la sortie médiatique du ministre, les premières réactions sont mitigées et les critiques ne manquent pas.

Tolérance zéro pour la drogue au volant? En réaction à l'affaire Pierre Palmade, impliqué dans un grave accident de la route sous usage de stupéfiant le 10 février dernier, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin souhaite faire un coup d’éclat en proposant de renforcer la lutte contre l’alcool et la drogue au volant.

Dans une interview accordée au JDD dimanche, Gérald Darmanin a expliqué qu’il allait proposer un net durcissement des sanctions pour les conducteurs ayant consommé de l’alcool et/ou des drogues, assurant vouloir retirer les douze points du permis de conduire à un conducteur positif au dépistage.

12 points contre 6 actuellement

Car actuellement, un test positif à la drogue équivaut à un retrait de six points sur le permis de conduire, une sanction couplée à une amende d’un montant maximum de 4.500€ et à une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison. Le conducteur ne peut pas conduire pendant les trois jours suivants le dépistage, le temps que le résultat soit confirmé. Ensuite, la suspension, voire l’annulation, du permis est possible mais pas systématique. La perte automatique du permis pour drogue ou alcool au volant n'est prévue aujourd'hui que pour les jeunes conducteurs.

Dans son interview faisant office d’annonce, Gérald Darmanin précise que "la perte du permis n'est automatique qu'en récidive aujourd'hui". Cette sanction ne peut être prononcée que par un préfet ou par un juge. Par exemple, si le conducteur a trop bu, ou s'il a causé un accident grave voire mortel, la peine peut aller jusqu'à une suspension du permis pendant trois ans ou une annulation avec interdiction de le repasser pendant trois ans.

Les tests salivaires essentiels, mais critiqués

Avec un nombre annuel, avancé par le ministre, d'environ 600 personnes périssant dans des accidents de la route liés aux stupéfiants, l’objectif du ministre est alors limpide. Et si le but final est loué par la majeure partie des différents acteurs du monde de la route, des critiques subsistent tout de même sur la manière dont Gérald Darmanin souhaite agir pour contrer le fléau de la conduite sous l’emprise d’alcool et/ou de stupéfiants.

Anne Lavaud, déléguée générale de l’Association prévention routière, a par exemple affirmé dans l’émission Charles Matin sur RMC et RMC Story, que la mesure du ministre ne peut “pas être seule”.

“Il faut que ça s’accompagne de contrôles, de vrais contrôles que les gens voient car sinon il n’y a pas de crédibilité par rapport à la mesure. Et il faut aussi des mesures de prévention”, a estimé Anne Lavaud chez Charles Matin sur RMC et RMC Story.

Entre alors en jeu la question des tests salivaires, réalisés plus de 800.000 fois cette année afin de dépister l’usage de produits stupéfiants, et que Gérald Darmanin souhaite toujours plus utiliser lors des contrôles routiers avec un ordre d’en réaliser plus d’un million en 2023.

Selon Anne Lavaud, ces tests salivaires “ont été simplifiés (...), sont faits sur le bord de la route, sont efficaces, (...) donc il n’y a pas de question sur les tests. On nous dit qu’ils coûtent très cher et que pour le moment on les économise un petit peu, ce que j'entends c’est que cette notion d’économie des tests on va passer outre et enfin on va voir des tests salivaires partout”.

Mais pour Me Rémy Josseaume, avocat spécialisé dans le droit routier, la problématique des tests salivaires est justement l’un des points négatifs de la proposition de Gérald Darmanin. Il faut en effet améliorer les tests salivaires qui ne permettent pas de détecter toutes les drogues ni la quantité consommée.

Aussi, “on a, des fois, des faux positifs, aussi des personnes qui sont consommatrices et qui échappent aux contrôles”, ajoute l’avocat. Un sujet sur lequel Gérald Darmanin a affirmé travailler avec les entreprises concernées pour "affiner les mesures", explique-t-il.

Et la vitesse?

Parmi les critiques lancées au ministre de l’Intérieur, celle aussi de se concentrer peut-être un peu trop sur l’unique problématique des stupéfiants. Si Gérald Darmanin a annoncé sur Twitter que ses propositions portaient aussi sur les conducteurs ayant consommé de l’alcool, d’autres avocats spécialistes du droit routier estiment que le ministre ne s’attaque pas au problème majeur de la mortalité routière : la vitesse excessive.

Pour Me Antoine Regley, avocat spécialiste en droit routier, “on vient réprimer alcool et stupéfiants, mais le grand oublié ce sont les grands excès de vitesse de plus de 50km/h qui tuent en majorité sur les routes”.

“Ces excès de vitesse (de plus de 50km/h) ne sont même pas des délits, ce sont des contraventions de 5ème classe. C’est-à-dire que dans l’ordre des peines, l’excès de vitesse qui tue le plus est moins gravement réprimé que ceux qui tuent le moins. Où est la logique des annonces du ministère de l’Intérieur? Il n’y en a pas”, lance l’avocat Me Antoine Regley.

"C’est une demi, voire un quart de mesure"

Un propos que Me Philippe Courtois, avocat spécialisé en droits des victimes d'accidents de la route, partage. “Il n’y a pas que la drogue. Il y a l’alcool, la vitesse, les médicaments… C’est une demi, voire un quart de mesure”, pense l’avocat. ‘“Il aurait fallu aller beaucoup plus loin. Ça fait depuis quatre ans que les associations proposent des choses, mais rien n’est allé plus loin”, déplore-t-il.

Critiquant le fait que l’on “attend qu'il y ait des personnalités publiques touchées pour agir”, Me Courtois pense qu’il faut donner aux magistrats “les moyens de sanctionner davantage”. Pour l’avocat, on a pu voir dans l’affaire Pierre Palmade que d’importants dispositifs d’enquête ont été mis en place pour ce dossier en particulier. Mais, “dans la vraie vie, il n’y a pas ça”, assure Philippe Courtois. “Les victimes sont totalement seules. Ce qu’il aurait fallu, c’est une réflexion globale, d’inviter à la table (tout le monde) y compris les magistrats”, a-t-il affirmé au micro d’Apolline de Malherbe.

Davantage de précisions sont donc attendues de la part du ministère de l’Intérieur dans les jours à venir sur les propositions de Gérald Darmanin. Ce dernier a d’ailleurs aussi annoncé vouloir “supprimer les retraits de points pour les excès de vitesse de moins de 5km/h et ainsi être compréhensif avec ceux qui travaillent”.

Alexis Lalemant, avec Clara Gabillet et Nicolas Traino