Trenitalia lance ses trains Paris-Marseille: "À terme, cela coûtera aussi cher que la SNCF"

Principal concurrent de SNCF Voyageurs depuis la libéralisation des lignes à grande vitesse en France fin 2020, Trenitalia a débuté ce dimanche matin une liaison entre Paris et Marseille, poursuivant son implantation dans l'Hexagone où ses ambitions sont grandes. Après le lancement fin 2021 de la liaison entre Paris, Lyon, Turin et Milan, c'est le deuxième service hexagonal lancé par la compagnie italienne
La compagnie italienne propose désormais quatre allers-retours quotidiens entre la capitale et Marseille, avec des arrêts à Lyon-Saint-Exupéry, Avignon-TGV et Aix-en-Provence-TGV.
"La SNCF va compenser ailleurs"
"Seuls les usagers de cette ligne vont y gagner. Les autres lignes, sur lesquelles il n’y a pas de concurrence, ne verront pas leurs prix baisser. Au contraire, leurs prix pourraient augmenter, car la SNCF, qui gagnera moins d’argent sur la ligne concernée par la concurrence, va être obligée de compenser ailleurs", anticipe sur RMC François Deletraz, président de la Fédération nationale des associations des transports (FNAUT).
L'objectif est de remplir les trains à 50%-60% entre Paris et Marseille, soit un million de voyageurs la première année. Les billets pour le Paris-Marseille ont été mis en vente à partir de 27 euros, légèrement au-dessus du prix d'appel proposé par SNCF Voyageurs en TGV Inoui (25 euros).

Pas de billet au dessus de 100 €, pour l'instant
Les prix divergent cependant: un Paris-Marseille le vendredi 25 juillet coûte minimum 61,90 euros (la plupart des billets dépassant les 100 euros) sur un TGV Ouigo, contre 49 euros chez Trenitalia (et aucun train à plus de 100 euros).
"Ce qui risque de se passer dans les mois à venir, c’est ce qu’on a déjà vu sur d’autres lignes, comme Paris-Nice ou Paris-Toulouse avec EasyJet et Air France. Au début, il y avait une guerre des prix, mais aujourd’hui, les tarifs sont quasiment les mêmes. Des tests ont été faits. À terme, on peut s’attendre à la même chose dans le ferroviaire : Trenitalia coûtera aussi cher que le TGV", poursuit François Deletraz.
"C’est facile de faire des prix bas quand on fait du déficit. En Italie, ce déficit est compensé par les passagers italiens. Mais si Trenitalia fait des pertes en France, par exemple sur Paris-Lyon, qui paiera ces pertes ? Les Italiens. La concurrence est donc un peu faussée de ce point de vue-là", souligne également le président de la FNAUT.
"Ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle dans l’ensemble. C’est une bonne nouvelle uniquement pour la ligne Paris-Marseille, car la SNCF est obligée d’améliorer son service, sa qualité et de baisser ses prix. Mais tout le reste de la France n’est pas concerné", juge François Delatraz
La concurrence ferroviaire "peut être un moyen d'avoir plus d'offres dans un marché ferroviaire qui, aujourd'hui, est en croissance", a fait valoir Matthieu Chabanel, PDG de SNCF Réseau, lors de l'inauguration à Marseille, où il a évoqué un lancement qui "illustre l'envie de trains qu'on connaît dans notre pays".
"Chaque entreprise ferroviaire paie une redevance pour l’utilisation du réseau, géré par SNCF Réseau (entité publique). Cela constitue des revenus supplémentaires pour l’État, ce qui permet d’entretenir le réseau – et pas uniquement le réseau à grande vitesse", explique de son côté François Deletraz.
Les Français n'aiment pas les Club 4
Reconnaissables de part leur livrée rouge, les trains Frecciarossa de Trenitalia ont cependant un léger désavantage par rapport aux TGV de la SNCF, selon le président de la FNAUT. "Les passagers se plaignent parfois que les trains soient organisés en "Club 4" (quatre places face à face NDRL), ce qui choque les Français. En Italie, les gens aiment discuter entre eux, mais en France, la très grande majorité des passagers voyagent seuls et n’aiment pas ce type d’aménagement."
Toutefois, "Trenitalia propose une classe supplémentaire très haut de gamme, de niveau premium. De manière générale, leurs trains sont en très bon état", selon la Fnaut.
D'autres habitués des Paris-Marseille évoquent une fréquence de train trop faible avec seulement quatre allers-retour par jour contre 16 pour la SNCF. Peu importe pour Henri. Lui est Lyonnais et quand il vient à Paris avec sa femme et sa fille, c'est de plus en plus souvent à bord d'un train rouge Trenitalia. "C'est souvent moins cher, il y a moins de monde et pas trop d'avaries pour l'instant. C'est 50 € de moins."
"C'est le même réseau que la SNCF, en cas de problème, tous les trains seront impactés"
Et ceux qui pourraient penser que Trenitalia est synonyme de davantage de garanties d'arriver à l'heure que la SNCF, François Delatraz rappelle une chose: Trenitalia et la SNCF circulent exactement au même moment, sur le même réseau. En cas de problème, tous les trains, quelle que soit la compagnie, sont impactés.
D'après une estimation de la Fédération des usagers des transports, l'arrivée de Trenitalia sur le Paris Lyon, il y a trois ans, a poussé la SNCF à baisser ses prix sur le même trajet de 10 à 20%.