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"Ça arrange tout le monde": ils travaillent au noir, un fléau à 10 milliards d'euros, et assument

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Le travail "au black" en France a été chiffré à 10 milliards d'euros par le Haut conseil du financement de la protection sociale pour l'année 2022. Un fléau assumé par de nombreux pratiquants, notamment dans le domaine du BTP et de la restauration.

Le travail au noir représente un manque à gagner de plus de 10 milliards d’euros en 2022. C'est ce qu'indique le Haut conseil du financement de la protection sociale dans un rapport présenté ce mardi. Un fléau qui ampute le financement des retraites, des soins de santé, ou du chômage...

"C'est probablement une estimation basse", rajoute sur RMC ce jeudi matin Vincent Drezet, porte-parole de l'association Attac et spécialiste des questions de fraude sociale et de fiscalité, rappelant qu'il y a quelques années, cette fraude était estimée à 20 milliards.

Il y a différents types de fraudes à distinguer. La fraude de "proximité", qui correspond aux petites activités comme des déménagements, des petits arrangements de fin de mois avec des revenus non-déclarés. La fraude "installée", avec par exemple des commerçants qui déclarent leur chiffre d'affaires, mais qui ne déclarent pas tout. Mais aussi une fraude "structurée", qui est selon Vincent Drezet, beaucoup plus conséquente, beaucoup plus organisée et plus difficile à combattre. Avec, par exemple, des grandes entreprises gérant des sous-traitants et des salariés qui ne sont pas déclarés, ou déclarés pour une partie des salaires mais pas pour le reste.

Le parti-pris : Travail au noir, un fléau à 10 milliards d'euros ? - 18/01
Le parti-pris : Travail au noir, un fléau à 10 milliards d'euros ? - 18/01
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Les secteurs du BTP et de la restauration particulièrement impactés

Le BTP regroupe à lui seul les deux tiers des redressements, avec des sous-traitants qui travaillent sur les chantiers sans payer leurs cotisations puis qui disparaissent.

Dans ce secteur, la fraude est "connue de longue date". Comme peut en témoigner Vincent, qui expliquait sa situation ce jeudi matin en direct sur RMC. Peintre de formation et fonctionnaire à mi-temps (1.250 euros nets par mois), il a tenté l'auto-entrepreneuriat. Mais voyant les 23% de charges s'envoler, sans compter l'avis d'imposition, il a décidé de passer à 100% de travail au noir.

"Depuis quelques années, je ne déclare plus rien, mais ce n'est pas grave. J'ai 56 ans, les clients sont gagnants, moi je suis gagnant... Il y en a ras-le-bol des charges que nous prend l'Etat".

En plus de son salaire fixe en tant que fonctionnaire (1.250 euros/mois soit 15.000 euros par an), il touche ainsi, en guise de bonus, 10 à 15.000 euros au noir par an, selon le nombre de chantiers qu'il a pu faire.

"Je ne culpabilise absolument pas"

Saisonnière en restauration dans une station balnéaire, Lily avait l'été dernier un contrat de 35 heures, au SMIC, environ 1.400 euros par mois, et puis il y a les extras: "600 euros au black sortis de la caisse, ça arrange tout le monde", explique-t-elle.

Ce que confirme David, salarié dans une entreprise du BTP, qui fait aussi quelques petits travaux au noir, à son compte.

"Je ne connais pas une personne dans le bâtiment qui ne fasse pas de 'black'", assure David, qui ne culpabilise pas du tout, se rajoutant 2.500 euros par an.
A vous de nous dire : Travail au noir, un trou de 10 milliards d'euros - 18/01
A vous de nous dire : Travail au noir, un trou de 10 milliards d'euros - 18/01
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Comment lutter?

La fraude perdure en raison d'une "législation mal adaptée" et des "contrôles malheureusement pas assez renforcés" selon Vincent Drezet, spécialiste de la fraude.

Les effectifs de l'Urssaf dédiés au travail dissimulé sont toutefois en train d'être renforcés avec 240 inspecteurs supplémentaires d'ici 2027 et l'objectif de doubler le montant des redressements.

Au moins 10 milliards d'euros de manque à gagner, c'est l'équivalent des budgets cumulés des ministères de l'Agriculture et de la Culture qui sont escamotés chaque année. Pour rappel, le fameux "trou" de la sécu est lui chiffré à 8,8 milliards en 2023.

J.A. avec Victor Joanin et Martin Cadoret