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"Expliquez-nous": comment fonctionnent les quotas d'immigration?

Tous les matins à 7h50, Nicolas Poincaré propose sur RMC une chronique pédagogique mais personnelle sur une actualité du jour. Aujourd'hui: Immigration, en quoi consistent les quotas ?

Le premier ministre envisage de mettre en place des quotas d’immigration. Edouard Philippe l’a annoncé lundi lors du débat à l’assemblée. Mais comment le gouvernement veut-il s'y prendre ?

Il pourrait prendre exemple sur le Canada pays d’immigration, qui pratique depuis des années les quotas professionnels. Le système marche un peu comme parcoursup, le système français de sélection des bacheliers. On s'inscrit en ligne et un algorithme vous attribue des points. Beaucoup de points si vous exercez un métier recherché, ingénieur ou médecin. Des points supplémentaires si vous êtes très diplômés ou si vous avez une expérience professionnel intéressante.

Des points sont également accordés en fonction de l'âge car le Canada encourage une immigration définitive de jeunes souhaitant s'intégrer. Enfin des points en fonction du niveau de maîtrise d'une des deux langues officielles du Canada, le Français et l'Anglais, sont attribués.

1% de la population par an

Ensuite les autorités choisissent le nombres de visas qu’elles souhaite donne. 330.000 pour 2019. Les ordinateurs moulinent et sortent les noms des heureux élus qui pour la plupart exercent des professions dont le marché de l'emploi à besoin. 330.000 immigrés par an, cela représente 1% de la population. Trois fois plus qu’en France a population égale. Mais ce n’est que 60% de l’immigration puisque le Canada a aussi une politique de regroupement familial et d'accueil de réfugiés politiques.

De leur côté, les États-Unis délivrent 65.000 visas en fonction de quotas professionnels donc en fonction des besoins, et a peu près autant par tirage au sort, avec là des quotas par pays d’origine. Des systèmes de quotas existent aussi en Australie ou en Nouvelle-Zélande.

Le tabou levé en France ?

En France, jusqu'à présent, le sujet était tabou a assuré le Premier ministre lundi qui a utilisé une formule plus qu'alambiquée: "Je n’ai pas peur de réfléchir à des quotas". Pourquoi tant de prudence ? Et bien parce que c’est un changement de pied. Pendant la campagne présidentielle, François Fillon défendait les quotas et Emmanuel Macron était contre. "Au nom de l’efficacité. Ça ne marchera jamais", avait-il dit. C’est un dispositif impossible à piloter. 

En 2018, la droite au Sénat avait tenté d’introduire les quotas à travers un amendement présenté par Roger Karouchi. Le gouvernement s’y était opposé avec toujours l’argument de la difficulté. "Ça ne résiste pas à l’examen de faisabilité" avait dit la ministre de la cohésion des territoires Jacqueline Gourault.

Revirement de situation cette année, alors que Emmanuel Macron a demandé au gouvernement de se pencher sur la question. Deux fois, au printemps puis à la rentrée, Emmanuel Macron a expliqué aux parlementaires que la prochaine élection présidentielle se jouerait sur la question de l’immigration et qu’il ne fallait pas laisser le monopole du sujet à Marine Le Pen. D'où le débat hier à l’assemblée et d'où les annonces d’Edouard Philippe.

Combien de personnes seraient concernées ?

Très peu de personnes ne seraient concernées, parce que les quotas n'engloberaient ni le regroupement familial (environ 90.000 entrées par an), ni les étudiants (80.000 entrées par an) et ni les demandeurs d'asiles, car des traités internationaux interdisent d'appliquer des quotas à ces trois catégories d'immigrants.

Reste donc l’immigration économique. Les visas de travail. C’est environ 30.000 personnes par an. Environ 10% du total. Mais déjà, ces visas, au moins pour la moitié d’entre eux, étaient donnés en priorité à ceux qui exercent un métier dont nous avons besoin, par exemple infirmier ou informaticien.

Nicolas Poincaré (avec G.D.)