Crédits pour boucler les fins de mois: "Si je ne mange pas, il me reste un peu plus"

Ils s’appellent Karine, Alexandre et Stéphane. Et ils habitent dans la Drôme, la Manche et la Nièvre. Leur point commun, c’est d’avoir, ou d’avoir eu, besoin de s’endetter avec des crédits à la consommation pour boucler les fins de mois. Et ces auditeurs des Grandes Gueules, qui ont témoigné ce mardi sur RMC et RMC Story, ne sont pas les seuls. Selon une étude de Meilleurtaux, alors que 48% des emprunteurs avaient recours à un crédit à la consommation pour des raisons de trésorerie en 2022, ils étaient 56% en 2023.
"J’ai le crédit pour l’appart et des crédits conso que je regroupe, explique Karine. A chaque fois, je réemprunte un peu, pour faire des virements à la fin du mois. Il me manque quelques centaines d’euros. Ça sert à faire les courses, à payer les charges. Ça fait 15 ans que je suis secrétaire à l’hôpital. Contrairement à ce qu’on dit, on bosse comme des dingues. Et 1.700 euros (par mois) au bout de 15 ans… Je paye des impôts. Il n’y a pas de dépenses pour 300 euros de vêtements. Il me reste 200-300 pour euros. Je ne pars en vacances, il n’y a pas de luxe."
"Je veux juste qu’ils me rendent du pouvoir d’achat"
Alexandre, lui, évite désormais de recourir à un crédit à la consommation. Avec une solution radicale, se limiter à un seul repas quotidien. "Je l’ai fait pendant très longtemps mais maintenant, la seule solution que j’ai pour survivre avec mes trois enfants, en ce qui me concerne, c’est de ne plus manger le matin et le midi, confie-t-il. Je ne fais qu’un seul repas sur la journée. Je n’ai plus le choix. Sinon, je me retrouve avec un découvert de 350 euros, avec des agios et tout un tas de trucs à payer derrière. Si je ne mange pas, il me reste un peu plus."
"On est environ à 3.500 euros à deux, détaille Alexandre. J’ai la voiture, les courses, les assurances, le loyer, l’énergie… Le gouvernement a des leviers. Moi, je ne demande pas un chèque. Je veux juste qu’ils me rendent du pouvoir d’achat, qu’ils arrêtent de se goinfrer sur mon dos."
Pour Stéphane, "ça arrive assez régulièrement de devoir prendre un petit crédit à la conso pour pouvoir combler, parce que la banque appelle, dit qu’on est dans le rouge, qu’il faut faire quelque chose". "Les banques orientent vers les organismes du type Cetelem, Cofidis, etc. On ne peut même pas voir avec sa propre banque, ajoute-t-il. On est à un peu plus de 4.500 euros à deux. On a trois enfants, qui sont grands, dont deux qui sont étudiants. Il y a les impôts, il n’y a plus de bourses, il n’y a plus rien… Il y a la voiture et la maison. Ensuite, l’énergie, le chauffage et les transports. C’est incompressible avec le carburant, qui augmente les veilles de week-end ou de jours fériés."
"Si tu appauvris la classe moyenne, tu tues ton pays"
Ces difficultés pour boucler les fins de mois, dans la classe moyenne, elles inquiètent énormément sur le plateau des Grandes Gueules. "Quand tu changes ta vie en commençant à te restreindre, à acheter moins, à passer à la deuxième main, c’est la définition de l’appauvrissement, estime le Dr Jérôme Marty. Si la majorité de la classe moyenne commence à restreindre ses achats, c’est qu’elle s’appauvrit. Elle s’appauvrit parce qu’elle ne peut pas faire face à l’inflation, à l’augmentation des coûts… Et donc elle modifie sa vie. Ça prouve que le pays s’appauvrit. C’est gravissime parce que c’est la classe moyenne qui emploie, qui crée des PME, qui fait les professions libérales, l’artisanat, l’agriculture… Si tu appauvris cette classe, tu tues ton pays. Et c’est là où on est en train d’aller. On ferait bien de se réveiller et de se dire que c’est une alerte forte."