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Mathieu Kassovitz sur RMC: "Adama Traoré a été victime de violences, c'est indéniable!"

Invité des "Grandes Gueules" de RMC, l'acteur et réalisateur du film "La Haine" est revenu sur la question des violences policières et du rapport à la police qui se détériore en France.

C’est devenu un film culte avec les années. Cette année marque le 25e anniversaire du film de Mathieu Kassovitz, "La Haine". Un film, qui est toujours d’actualité selon le réalisateur, avec la situation actuelle dans les banlieues françaises et le rapport à la police qui semble encore être terni depuis quelques jours, dans un contexte de dénonciation des violences policières. 

"On a fait un film universel qui passe les générations et qui traite un sujet qui ne trouve pas de solution. Ce n’est d’ailleurs pas que la brutalité policière, c’est le problème du respect de manière générale. Tout le monde peut s’y retrouver à toute époque, à toute génération", estime-t-il. 

"Ils cassent pour obtenir des choses"

Interrogé sur l'affaire Adama Traoré, le réalisateur accuse: "Adama Traoré a été victime de violences, c'est indéniable! Il a été étouffé, il a eu la cage thoracique enfoncée, il a été laissé pour mort sur le sol de la gendarmerie pendant que les gendarmes mentaient à sa famille en disant qu'il allait bien. Ca veut dire que tous les gendarmes de cette caserne sont complices".

La mort, le 19 juillet 2016, d'Adama Traoré reste au coeur de l'enquête: il a été retrouvé mort dans la caserne de gendarmerie de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) au terme d'une course-poursuite avec les gendarmes. Depuis, sa famille réclame "justice", comme Assa, sa soeur qui était l'invitée de RMC ce mardi matin. Une nouvelle expertise médicale, la quatrième, demandée par la famille du jeune homme, que RMC a pu consulter ce mardi, conclut que "le plaquage ventral a entraîné la 'mise en position corporelle entravant l'échange normal de gaz et avec l'impossibilité de se libérer de cette position". Une explication que rejette les gendarmes, s'appuyant sur d'autres rapports d'autopsie.

Face aux "Grandes Gueules", Mathieu Kassovitz revient ensuite sur les incidents qui ont émaillé la fin de la manifestation pour Adama Traoré à Paris: "Je ne suis pas du côté des casseurs, mais je comprends leur mentalité. Ils cassent pour obtenir des choses. Face aux 20.000 personnes réunies à Paris, j'espère qu'il va y avoir une réponse du gouvernement, une réponse judiciaire dans les jours qui viennent..."

Il estime que les questions sur les violences policières sont toujours là de fait parce qu’elles existent toujours. Pourtant, selon lui, si la situation en France semble faire écho à celle des Etats-Unis ce ne devrait pas être le cas. 

“On partage tous le même rapport avec la police alors qu’on ne devrait pas. Je comprends qu’aux Etats-Unis qui est un pays ultra-militarisé, on ait ce rapport à la police parce qu’elle est utilisée véritablement comme un objet de répression, mais en France, on a une autre tradition et on devrait considérer nos policiers de manière différente et inversement”, assure-t-il. 

“Les commissariats sont des endroits dans lesquels on n'a pas envie de travailler"

Selon l’acteur, si la relation entre la population et la police est aussi mauvaise, c’est avant tout parce que la police n’est “pas assez éduquée”, et “pas assez bien payée”. 

“Les commissariats sont des endroits dans lesquels on n'a pas envie de travailler. Je pense qu’on a que ce pour quoi on paye. Moi, je voudrais qu’on soit maintenu en paix, parce que c’est ça leur métier, par des gens qui sont compétents et sur lesquels je n’ai aucune hésitation à appeler parce que je sais qu’ils ont une capacité de jugement, une capacité psychologique qui fait qu’ils vont faire baisser la pression et arranger les choses. Et ça n’a jamais été le cas dans ma vie et pourtant, je suis blanc”, assure-t-il sur RMC.

“On a besoin d’avoir un rapport intelligent avec la police et pour ça, on a besoin d’avoir une police intelligente”, poursuit-il. 

Désarmer les policiers

Il juge que la police est actuellement l’interface de la société entre le peuple, les politiques, et la justice. “C’est comme quand je vais chez le docteur, j’ai besoin de savoir qu’il a fait 15 ans d’étude. J’ai besoin de savoir que je peux m’appuyer sur quelqu’un qui est plus solide que moi psychologiquement et qui a des solutions”, plaide Mathieu Kassovitz. 

Il déplore que les policiers ne soient ni assez formés, ni assez payés pour ce qu’ils ont à faire. 

“Il faut qu’ils se respectent et qu’ils respectent ce pourquoi ils se sont engagés. Moi, je ne me suis pas engagé en tant que citoyen, je suis citoyen français. Je suis né ici, j’observe les lois de ce pays. Mon contrat s’arrête là et la politique est là pour m’empêcher de faire des bêtises. Mais elle, elle a un contrat. Un contrat qu’on signe comme n’importe quel docteur, avocat ou professeur. Et si on n’explique pas à ces policiers quelles sont ces limites et s’ils n’ont pas l’éducation qui leur permet de gérer cette pression-là, parce qu’elle est énorme, ils se la créent eux-mêmes”, assure l’acteur. 

Il plaide également pour désarmer les policiers. "Personne n’est armé dans la rue. Je n’ai pas besoin d’être traité comme quelqu’un qui est potentiellement armé, on n’est pas aux Etats-Unis", ajoute-t-il. "Je ne suis pas un voyou, oui j'ai peut être un joint dans la poche, je n'ai pas payé mon amende... Mais ça ne fait pas de moi un criminel!" a-t-il précisé face aux "Grandes Gueules".

Guillaume Descours