Limitation à 80 km/h: "La Sécurité routière se base sur une formule qui n'a aucun fondement scientifique"
Une annonce qui a fait bondir de nombreux automobilistes. Le gouvernement veut abaisser la vitesse sur les routes secondaires en France et faire passer la limite de 90 à 80 km/h. Des sénateurs en colère contre cette mesure ont réclamé la publication des résultats d'études réalisées sur ce sujet. Le Premier ministre leur a répondu dans un document que RMC s'est procuré et les justifications ne convainquent pas Me Rémy Josseaume, avocat spécialiste en droit routier et président de l'Automobile club des avocats.
Le gouvernement a en effet expliqué que sur un test réalisé par la Sécurité routière sur un tronçon durant 2 ans, que l'on est passé de 27 accidents pour 6 morts, à 20 accidents pour 3 morts lorsque l'on est passé à une limite de 80 km/h. Rémy Josseaume regrette que la mesure n'ait pas été "concrétisée par des résultats officiels, sur une expérimentation sérieuse, car tout le monde sait qu'une expérimentation doit durer 5 ans (et non 2 comme évoqué précédemment)".
Une formule mathématique biaisée ?
Autre souci, l'utilité d'un théorème mathématique, le modèle de Nilsson, qui est à la base des calculs de la Sécurité routière, est également remise en cause.
"En réalité tout repose sur une soi-disant formule mathématique où on vous explique que lorsque l'on baisse d'un km/h la vitesse, il y a aurait 4% de tués en moins. Quand on regarde les chiffres en France, ce n'est pas vrai. Il y a des périodes, très précises, où on voit que ces chiffres ne sont pas corroborés", assure l'avocat.
Pierre-Olivier Cavey, le directeur de la Ligue de défense des conducteurs vient confirmer ces doutes et renchérit en apportant les résultats d'une contre-enquête que son association a réalisée:
"Nous avons diligenté la Société de calcul mathématique en 2014 pour savoir si le modèle de Nilsson (est bon). Pour ce modèle, qui est le fondement de la politique de sécurité routière, les résultats montrent qu'il ne repose sur aucun fondement scientifique valable. Car ils omettent de nombreux facteurs de sécurité active et passive du véhicule comme la ceinture, le système de freinage ABS/ESP..."
La vitesse, arbre qui cache la forêt ?
La vitesse est un facteur aggravant des accidents, mais n'est pas la première cause de mortalité sur la route rappelle également Pierre-Olivier Cavey. "Il y a l'alcool, la somnolence, les stupéfiants, l'usage du smartphone au volant... Ce sont de vraies problématiques de sécurité routière. La vitesse, c'est un bouc-émissaire", conclut-il.
Les deux spécialistes apportent également les solutions qu'ils jugent prioritaires à leurs yeux pour diminuer le nombre de morts sur les routes chaque année. Pour Me Josseaume, il faudrait "plus de contrôles ciblés sur l'alcool, les drogues et l'usage de smartphones", pendant que Pierre-Olivier Cavey voudrait "mettre le paquet sur la prévention et l'entretien des routes" en finançant ces mesures avec les bénéfices des radars automatiques.