Expérimentation de limitation de puissance: "bilan concluant" malgré près de 4.000 coupures de courant

Un agent Enedis en intervention. - Enedis
L'expérimentation de limitation de puissance électrique, réalisée à la demande du gouvernement, visait à tester un nouveau levier permettant de faire face à des difficultés d’approvisionnement d’électricité. Enerdis a jugé son résultant concluant.
115.000 foyers volontaires
L’hiver dernier, environ 130.000 habitants du Puy-de-Dôme ont été sollicités pour y participer. Selon le retour d’expérience que RMC s’est procuré, 11.200 d'entre eux ont opposé un refus (soit 8,5% du total). Environ 115.000 foyers ont donc consenti à entrer dans le dispositif.
Le 15 février, jour de l’expérimentation à proprement parler, Enedis a réduit leur puissance électrique à 3 kilovoltampères pendant deux heures (contre 6 ou 9 kVA en temps normal pour la grande majorité des foyers), lors de trois tranches horaires : 40.000 foyers entre 7 et 9 heures, puis 40.000 autres foyers entre 9 et 11 heures, et les 40.000 restants entre 18 et 20 heures.
Autrement dit, pendant deux heures, ces clients pouvaient uniquement faire fonctionner leurs appareils électriques de base (une ampoule, un radiateur, un ordinateur en charge et un frigo). Une compensation de 10 euros doit leur être versée via leur fournisseur.
Le gestionnaire du réseau Enedis, qui a mené l’opération, se dit très satisfait. Tout a fonctionné d’un point de vue technique: les ordres de réduction de puissance ont bien été appliqués par les compteurs Linky, et le retour à la normale s’est fait sans heurt.
Au final, la consommation électrique des 115.000 clients "cobayes" a baissé de 20% par rapport à une période de référence, car "beaucoup de clients ont anticipé la limitation" en coupant leurs appareils, selon Enedis. Un tiers des participants n’était pas présent à domicile au moment du test.
3,5% de clients ayant subi une coupure d’électricité, un ratio pas si anodin
En revanche, certains clients n’ont manifestement pas lu, ou ont oublié le courrier qui leur avait été envoyé une dizaine de jours en amont pour les prévenir de l’expérimentation. 3.974 d’entre eux ont laissé trop d’appareils allumés pour supporter cette réduction de puissance et ont subi une coupure de courant, soit 3,5% des clients concernés, toujours selon le document obtenu par RMC.
Des coupures sans incidence matérielle ou humaine, assure Enedis qui avait pris soin de sortir de l’expérimentation les patients à haut risque vital, et qui rappelle que les clients pouvaient réactiver le courant en éteignant les appareils les plus énergivores.
3,5% de coupures : ce ratio peut paraître insignifiant. Enedis avait d’ailleurs mobilisé 70 techniciens et 100 conseillers au téléphone pour parer à une éventuelle vague de problèmes techniques, qui n’a finalement pas eu lieu: le nombre d’appels de clients a à peine dépassé les 300 tout au long de la journée et les agents ont vite été redéployés ailleurs. Pourtant, ces coupures sont loin d’être anodines pour le réseau électrique, puisqu’elles représentent un cinquième des économies d’électricité réalisées lors de l’expérimentation.
Encore des incertitudes
Selon les calculs d’Enedis, si la limitation de puissance était généralisée un jour à l’ensemble du territoire, par tranches de 10 millions d’habitants, elle permettrait d’économiser l’équivalent de la production de deux réacteurs nucléaires, soit la consommation de Paris. Le gestionnaire reconnaît toutefois une "incertitude sur la baisse de consommation" qui serait réalisée à ce moment-là, car l’expérimentation a été menée un jour où le temps était clément, avec 15 degrés de température.
En revanche, en cas de généralisation, la limitation de puissance serait forcément déclenchée un jour de grand froid, lors d’un pic de consommation, avec les chauffages électriques allumés. Les économies en électricité pourraient donc être plus élevées… tout comme les coupures de courant.
En outre, le succès de l’opération a notamment été rendu possible parce que les clients concernés par l’expérimentation ont été prévenus longtemps en amont par courrier, comme le prévoyait l’arrêté. "La mobilisation des pouvoirs publics, des collectivités locales et des associations de consommateurs" a également bien aidé, souligne le document. Mais ce délai serait beaucoup plus court en cas de généralisation, puisque le dispositif serait déclenché en fonction des prévisions météo.
À titre d’exemple, avant un pic de consommation, EDF envoie un email la veille afin de prévenir ses clients Tempo que le lendemain va être classé "jour rouge" et que l’électron sera plus cher. Enedis se veut rassurant sur ce point.
"Si on devait se retrouver dans une situation très tendue, il y aurait à nouveau une communication dans tous les médias, notamment grâce à RTE" et sa météo de l’électricité, déclare à RMC le directeur d’Enedis Auvergne Cyrille Moreau.
Malgré ces inconnues, Enedis juge que le dispositif pourrait être généralisé en cas de pénurie d’électricité. La décision de l’ajouter aux leviers déjà existants revient à RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, et au ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, qui ne s’est pas encore exprimé sur ce point. Tout en sachant que la limitation de puissance ne risque de toute façon pas d’être déclenchée de sitôt: l’approvisionnement en électricité est beaucoup moins tendu que fin 2022, lorsque la guerre en Ukraine et les pannes de réacteurs nucléaires avaient justifié le lancement de cette expérimentation.