Faillite GM&S: faute de preuves, la justice déboute les ex-salariés et blanchit PSA et Renault

PSA et Renault sont-ils responsables de la faillite de leur sous-traitant GM&S en 2017? Le tribunal de grande instance (TGI) de Guéret (Creuse) a tranché. La justice a décidé de classer sans suite la plainte des ex-employés du sous-traitant automobile, faute de preuves suffisantes pour incriminer l'un des constructeurs.
122 salariés du site GM&S de La Souterraine avaient saisi la justice en attaquant les deux mastodontes français de l'automobile en 2018, puis en février 2023. Selon les plaignants, les deux constructeurs n’avaient pas respecté leurs obligations en matière de commandes entre 2014 et 2016.
Opération "Raoul"
En clair, les anciens salariés de cet ex-équipementier automobile accusaient les constructeurs d’avoir sciemment coupé le robinet de leurs commandes pour étouffer l’usine et provoquer sa faillite. Selon l'avocat du groupement de salariés, Maître Jean-Louis Borie, "c'est ce que Peugeot avait appelé l'opération Raoul".
Cette "opération" dont l'avocat fait mention aurait eu pour objectif que "les productions soient faites sur deux autres sites, de telle sorte qu'à terme (je) puisse me passer du site de La Souterraine", et qu'in fine ce dernier tombe en faillite.
Le tribunal judiciaire, saisi au civil, a estimé que les plaignants "ne rapportaient pas la preuve" que Renault aurait manqué à ses obligations contractuelles, en termes de chiffres d'affaires, dans le cadre d'un protocole conclu en 2014 avec GM&S.
Concernant PSA, les juges ont relevé que le constructeur n'avait pas respecté son engagement à consulter systématiquement GM&S pour les attributions de nouveaux marchés. Mais ils n'ont pas retenu de lien de causalité "suffisamment certain" entre la perte de chance du sous-traitant d'obtenir des marchés et son dépôt de bilan. Le tribunal a enfin écarté l'idée "d'une opération spécialement programmée par PSA pour transférer la production du site de La Souterraine vers d'autres sous-traitants".
En 2017, ils étaient 157 employés à avoir été licenciés. A l'époque, Jean-Marc, plus de 30 ans de maison chez GM&S, avait été mis à la porte du jour au lendemain.
"Pôle Emploi, ce qu'ils voulaient eux, c'est que je tourne la page. Mais le problème, c'est que depuis 1986, c'est un bouquin qu'il faut fermer. Et j'ai eu du mal", confie ce salarié de GM&S, réintégré depuis 2021.
Dos au mur, Jean-Marc a alors vécu une longue traversée du désert après ce licenciement. Il est resté pendant trois ans au chômage, puis a finalement été réintégré en 2021, sur décision de justice.
"Ce n'est pas une fatalité. Ce qu'il faut démontrer aux gens, c'est qu'il ne faut pas qu'ils tombent dans la fatalité. C'est un choix qu'on leur impose, donc ils ont leur mot à dire", revendique Jean-Marc, salarié de GM&S réintégré en 2021.
Les ex-GM&S disaient aussi être habités par la force de tous ceux qui ne sont plus là. Sur les 157 licenciés à l’époque, certains n’ont d'ailleurs jamais repris le chemin de l’emploi.
80.000 euros demandés par les ex-GM&S
"Il y en a qui n'ont jamais rien retrouvé, qui sont tombés dans des addictions, ou il y a eu des décès… C'est pour eux, et pour nous. Et on espère que le tribunal va nous donner raison", expliquait Patrick Brun, délégué syndical CGT.
Les 122 salariés en procès mélangaient à la fois des salariés licenciés, mais aussi une petite poignée de salariés licenciés puis réintégrés, ainsi que des salariés qui n'ont pas été licenciés mais qui estimaient avoir subi un préjudice avec la faillite de GM&S.
Les anciens salariés licenciés demandaient réparation et réclamaient chacun 80.000 euros de dommages aux deux constructeurs automobiles. Une somme qui aurait représenté "une indemnisation de principe pour chaque salarié licencié", concluait l'avocat des plaignants, Me Jean-Louis Borie.