Grèves des éboueurs: le bras de fer entre Anne Hidalgo et Gérald Darmanin sur les réquisitions
Va-t-on réquisitionner les éboueurs pour ramasser les poubelles à Paris? La question fait l’objet d’un bras de fer entre la maire de Paris, Anne Hidalgo, et le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Ce dernier a demandé à l’ancienne candidate à la présidentielle, à l'oral et par écrit, de réquisitionner les éboueurs pour ramasser les quelque 7.000 tonnes d'ordures qui s'amassent depuis 10 jours.
La lettre à la maire de Paris est signée du préfet de police Laurent Nunez. Elle pointe les risques pour la salubrité publique et les risques d’incendie. Une dizaine de feux de poubelles se serait déclarés à Paris dans la nuit de lundi à mardi. Et au sénat, Gérald Darmanin a indiqué qu’en l’absence d'une réponse de la mairie de Paris, il prendra des mesures de réquisition.
De qui relèvent ces réquisitions? Normalement, de la mairie. C’est elle qui est responsable de la salubrité sur la voie publique et qui détient les pouvoirs de police pour assurer cette salubrité. La mairie peut donc faire appel à des entreprises privées ou bien réquisitionner ses agents.
Mais Anne Hidalgo a fait savoir mercredi soir qu’elle ne comptait pas réquisitionner, au nom du respect du droit de grève et par solidarité avec les grévistes. Dans ce cas, le ministère de l'Intérieur a effectivement le droit de se substituer à la mairie. Et c’est ce qu’il compte faire.
Concrètement, que va-t-il se passer? Le préfet va demander à la maire la liste et les adresses des éboueurs qui travaillent pour la régie municipale. Et un courrier leur sera envoyé, ou plus vraisemblablement un policier ou un gendarme se rendra à leur domicile pour leur remettre l’ordre de reprendre le travail. Il y a du boulot, parce que les éboueurs sont 3.000 et habitent souvent en grande banlieue.
Gérald Darmanin a annoncé ce mercredi que les réquisitions se feraient dès ce jeudi matin. En réalité, cela risque de prendre un peu plus de temps. Surtout que le préfet devra justifier sa décision et prouver que l'amoncellement porte une atteinte importante à la sécurité publique. Pour cela, il faut l’avis de l’agence régionale de santé. Un avis qui n’a pas été émis pour le moment.
Anne Hidalgo n’était pas du même avis en 2016
Les syndicats pourraient contester l’ordre de réquisition, en faisant un référé devant le tribunal administratif. C’est ce qui s'était passé à Marseille en janvier 2022. La préfecture de police avait été condamnée à verser 1.000 euros aux éboueurs réquisitionnés. La justice avait estimé que la préfecture n’avait pas prouvé que la sécurité sanitaire était vraiment en péril. Le préfet de police de Paris a intérêt à soigner son argumentaire…
L’affaire a pris une tournure très politique… La gauche et les syndicats font de ces réquisitions une déclaration de guerre. Des députés de La France insoumise promettent des “représailles”.
La mairie de Paris fait remarquer qu’elle est la seule à qui le ministère de l’Intérieur demande des réquisitions. On ne le demande pas au maire du Havre, Edouard Philippe, alors que là-bas aussi les ordures s’accumulent.
Du côté du gouvernement, on dénonce surtout le jeu d’Anne Hidalgo, qui s’oppose aux réquisitions aujourd’hui, alors qu’en 2016, sous François Hollande, pendant la grève contre la loi “travail”, elle n’avait pas la même position.
A l’époque, elle n’avait pas procédé à des réquisitions d'éboueurs, contrairement à ce qui a été dit, mais elle avait fait appel aux forces de l'ordre pour débloquer deux garages de camions bennes. Elle avait aussi fait appel au privé et elle avait dit que ce n'était pas son rôle de soutenir les grévistes. Sept ans plus tard, elle a changé d’avis.