"L'agent Pôle emploi a peur": 56 agressions signalées par jour, un conseiller réclame l'anonymat

C'est un chiffre RMC: les agents Pôle emploi signalent 56 agressions ou incivilités en moyenne… par jour ouvré! Selon un document interne consulté par RMC, 14.192 agressions ou incivilités ont en effet été signalées en 2022. Même si ce chiffre est stable par rapport à 2021, il représente une hausse de 40% depuis 2019.
Si cette hausse s'explique, selon la direction de Pôle emploi, notamment par le fait qu'il soit demandé à tous les agents de faire remonter chaque incivilité depuis le drame de Valence, où une conseillère avait été tuée en 2021, les agents craignent tout de même de plus en plus pour leur sécurité.
La dernière illustration en date se trouve à Nantes, où un salarié veut garantir son anonymat dans ses relations avec les usagers. Ce conseiller réclame que son nom soit effacé des courriers envoyés aux demandeurs d'emploi qu'il accompagne mais aussi du badge qu'il doit porter lorsqu'il est à l'accueil. Pour une raison simple: "l'agent Pôle emploi a peur", explique son avocate, Me Peggy Cugerone.
"Aucun lien" selon la direction de Pôle emploi
Toutefois, l'agent nantais a dû s'opposer au refus de sa direction. Cette dernière explique à RMC que le fait de connaître son conseiller référent indemnisation, et pouvoir le contacter directement par mail, améliore l'accompagnement.
"Le code des relations entre le public et l’administration donne le droit à un usager du service public d'avoir les données de contact d'un agent public. Aucun lien entre cette disposition et des incivilités n’a été constaté", assure la direction de Pôle emploi à RMC.
Depuis janvier 2022, les conseillers "indemnisation", c'est-à-dire ceux en charge d'indemniser les demandeurs d'emploi (mais aussi de les sanctionner le cas échéant), les accompagnent individuellement. Leur identité est donc mentionnée sur tous les documents.
"Mise en danger délibérée de l'agent"
Face au refus de sa direction, cet agent a décidé d'aller aux prud'hommes pour obtenir gain de cause. Une audience a lieu ce jeudi à 14h au tribunal. "Il vient réclamer au Conseil des prud'hommes la protection que ne lui assure pas son employeur", justifie l'avocate du conseiller Pôle emploi.
Elle explique que si le conseiller n'a jamais été agressé lui-même, les relations de plus en plus tendues entre certains usagers et les agents de Pôle emploi justifient son anonymat, par précaution.
"Dans un contexte général de violences au sein des agences Pôle emploi, une violence quotidienne et structurelle, on sent bien que les demandeurs d'emploi mécontents viennent et cherchent à trouver un coupable, un responsable", estime Me Peggy Cugerone.
"C'est pour ça que cette levée de l'anonymat, on considère que c'est une mise en danger délibérée de l'agent", ajoute l'avocate en charge du dossier du conseiller Pôle emploi nantais.
Ce dernier espère que, si la justice prud'hommale lui donne raison, son cas fera office de jurisprudence. Selon l'avocate, le jugement sera mis en délibéré pendant deux ou trois mois. Il n'y aura donc pas de décision à l'issue de l'audience de ce 25 mai.
Selon le document interne consulté par RMC, les agressions physiques et verbales sont en baisse par rapport à 2021, mais les agressions comportementales sont en hausse de 13%. Elles incluent les harcèlements, le chantage, la dégradation, mais aussi les intentions suicidaires, qui sont en hausse de 30% par rapport à 2021.