"On n'a pas le temps d'aller se soigner": les professionnels de la justice manifestent contre leurs conditions de travail

Ils sont unanimes, le temps manque pour rendre la justice correctement. A Douai (Nord), la juge d'instruction Léa Clouteau croule sous les dossiers: "Quand j’étais juge des enfants, j’ai dû renouveler des mesures d’assistance éducative sans voir les familles. J’ai le choix entre juger ces dossiers vite et mal, ou reporter les audiences un an après, mais à ce moment-là, la décision n’aura plus de sens".
Conséquence, pour la première fois de l’histoire, l’ensemble des professionnels de justice - magistrats, avocats, greffiers - s’unissent pour dénoncer leurs conditions de travail.
Entre le manque de moyens financiers et humains, l'institution judiciaire est à bout de souffle. Des rassemblements sont prévus ce mercredi partout en France. Les professionnels du secteur sont appelés à repousser les audiences et à se réunir devant les tribunaux. Ils demandent à être reçus par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire.
"On bosse le soir et le week-end"
Au tribunal de Boulogne-sur-Mer aussi, c'est la course pour arriver à juger à temps. Viviane Brethenoux, vice-présidente chargée des contentieux de la protection, enchaîne les journées à rallonge: "Quand on est convoqué à 13h30 et qu'on passe à 22h, le juge est épuisé, il n'a pas fait de pause, il n’a pas mangé".
La magistrate ne compte plus les arrêts maladie dans son tribunal: "Ça va être des burn out mais aussi parce qu’on n’a pas le temps d’aller se soigner. On bosse le soir, on bosse le week-end. On a eu une collègue qui a eu mal à la tête, au bout de trois mois ses maux de tête ne passent pas, c'était une tumeur au cerveau". Ce mal-être généralisé a contribué au mois d'août, au suicide de Charlotte, une jeune magistrate en poste depuis seulement deux ans.
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