RMC

Sébastien, chômeur en grève de la faim: "Si on devient chômeur après 45 ans, on est foutu"

Sébastien Guillon, en grève de la faim depuis 9 jours devant la mairie de Niort (Deux-Sèvres).

Sébastien Guillon, en grève de la faim depuis 9 jours devant la mairie de Niort (Deux-Sèvres). - DR - Sébastien Guillon

Sébastien Guillon, chômeur de 49 ans, campe devant la mairie de Niort et ne s'alimente plus depuis le 1er juin pour alerter sur sa situation. Il n'a pas retrouvé d'emploi depuis trois ans et la faillite de l'entreprise de bâtiment qu'il avait créée. Sur RMC.fr, il dénonce le "tabou" du chômage des plus de 45 ans.

Sébastien Guillon, 49 ans, est chômeur depuis trois ans. Depuis le 1er juin, il est en grève de la faim et campe devant la mairie de Niort (Deux-Sèvres): 

"Hier (jeudi), au bout de mon huitième jour de grève de la faim, ça n'allait pas du tout. J'avais un gros coup de blues et j'étais nerveux, une conséquence du jeûne. Aujourd'hui ça va bien, j'ai retrouvé un peu de moral. J'ai eu une bonne nouvelle dès ce matin au réveil. J'ai une proposition d'embauche, qui me pose toutefois des soucis parce qu'elle est à plus d'une heure de chez moi. C'est un emploi industriel, dans une entreprise de mécanique du nord du département.

La difficulté c'est d'accepter une proposition qui est à plus d'une heure de route: je serai obligé de faire 150 km par jour et 50.000 km par an. Je l'ai déjà fait quand j'étais cadre, mais quand vous avez un salaire de 2.500 euros par mois en province vous pouvez un peu rouler comme ça puisque les frais engagés deviennent marginaux par rapport au salaire. Mais avec un salaire de 1.400 euros, ce n'est plus marginal.

"Vous avez beau envoyer 15 CV par semaine…"

Si je me suis mis en grève de la faim, c'est à cause d'un ensemble de choses qui font qu'à un moment on est épuisé et on en a ras-le-bol. Quand on est demandeur d'emploi, l'information qu'on cherche c'est: 'qui embauche, où et pour faire quoi?' Le problème c'est qu'aujourd'hui cette information est complètement fractionnée et éclatée, et Pôle Emploi n'est plus du tout capable de capter cette information. Ce qui fait qu'on est complètement paumé. On va de déconvenue en déconvenue. Vous avez beau envoyer 15 CV par semaine, il n'y a rien au bout, c'est très usant.

Pourtant je dispose d'un métier 'bouée de secours' comme je l'appelle, que j'ai appris quand j'étais étudiant: je peux travailler dans la poissonnerie. Mais même avec ça, c'est compliqué. Ce qui a fait déborder le vase, c'est que j'ai fait 15 jours de CDD en poissonnerie dans un supermarché. A la fin le patron m'a dit qu'il était content, mais qu'il fallait qu'il consulte l'équipe pour ne pas m'imposer. Depuis j'attends son appel. Cela fait 15 jours.

"Un tabou comme le cancer"

Au-delà de 45 ans c'est très compliqué de retrouver un emploi. Depuis que je suis en grève de la faim et que je me suis installé sur les marches de la mairie, la grande majorité des gens qui viennent me voir ce sont des chômeurs de ma génération, qui ont plus de 45 ans et qui sont au chômage depuis plusieurs années. Il ne faut pas avoir d'accident professionnel après 45 ans, sinon c'est foutu. Il faut qu'on en parle de cette problématique. Je la rapproche du tabou du cancer: une sorte de maladie que tout le monde peut attraper à n'importe quel moment et sur laquelle on pose un mouchoir, parce qu'au bout il y a la disqualification et la mort sociale. Il faut lever ce tabou, parce que la société se morcelle et se met en concurrence au moment où on a besoin de refaire de la solidarité. Lever le voile sur ce tabou permettrait de retrouver du lien et de la solidarité."

Propos recueillis par Philippe Gril