Coup d'État au Gabon: la fin de la dynastie Bongo?

C’est la fin de la dynastie Bongo qui règne sur le Gabon depuis 56 ans. Ali Bongo, le président qui vient d'être renversé par un coup d'État, était d’abord le fils de son père, Omar Bongo, qui a régné sur ce petit pays pétrolier de 1967 à 2009. Il était le parrain de l'Afrique francophone, le symbole de la Françafrique.
Il laissait Elf Aquitaine, devenu TotalEnergies, exploiter le pétrole gabonais. Il était connu pour verser des valises de billets à la classe politique française, droite et gauche confondues. Cela lui donnait un droit de regard sur la politique française. Les ministres de la coopération ne pouvaient pas être nommés sans son accord.
Un jour, un homme politique français lui a passé un coup de téléphone pour le remercier chaleureusement d’avoir accepté qu’il devienne ministre. A l’inverse, en 2008, Jean-Marie Bockel, ministre de la Coopération de Nicolas Sarkozy, a dû démissionner pour avoir dit du mal d’Omar Bongo. Le Gabon n’est pas un pays comme les autres. Il a longtemps été au cœur de la politique africaine de la France.
Le "fils de" qui a dû s'imposer
En 2009, Ali Bongo a succédé à son père, qui venait de décéder. Difficilement, d'abord. Il a eu beaucoup de mal à s’imposer, même au sein de sa propre famille. Il était le fils aîné de 53 enfants qu’Omar Bongo avait eu avec une trentaine de femmes. Ali a d’abord été contesté par ses frères et sœurs et notamment sa sœur ainé Pascaline, qui avait beaucoup plus de caractère que lui. Finalement, il a été élu en 2009, pour un premier mandat, sans doute en trichant.
Il a ensuite été réélu en 2016 et cette fois la triche était incontestable. Dans son fief, il est censé avoir obtenu 99% des suffrages avec une participation de 99%, ce qui est évidemment impossible. Les troubles qui ont suivi les élections ont fait une quinzaine de morts dans la capitale.
Le week-end dernier, il se présentait pour un troisième mandat, malgré ses graves ennuis de santé. Il a fait un AVC en 2018, a été soigné au Maroc et est resté des mois absents du pays. Depuis, il marchait difficilement et avait des problèmes d'élocution. C’est probablement cet état de faiblesse qui a décidé les militaires à le destituer.
Elu puis destitué quelques heures plus tard
Les élections ont eu lieu samedi. Les résultats ont été proclamés mardi soir, très tard, annonçant sa victoire avec plus de 60% des voix au premier tour. Et quelques heures après seulement, un groupe d'officiers a pris la parole à la télévision pour annoncer la fin du régime. Ali Bongo est depuis en résidence surveillée. Il a enregistré une courte vidéo en anglais dans laquelle il appelle à l’aide ses soutiens étrangers.
Le chef des putschistes, le général Oligui Nguéma, est un cousin d’Ali Bongo, le chef de la Garde républicaine, une force justement chargée d'assurer la sécurité du président. C’est un membre du clan Bongo depuis des années. Autour de lui, se tenait le chef d’Etat-Major, preuve que c’est bien toute l'armée qui a décidé de se débarrasser d’Ali Bongo, qualifié d’irresponsable qui allait conduire le pays au chaos. Les militaires ont pris le pouvoir et annulé le résultat des élections présidentielles.
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Le huitième coup d'État en Afrique de l'Ouest
Ce nouveau coup d'État est le huitième en Afrique de l’Ouest en quelques années. Il intervient surtout après les coups d'État au Mali, d'où l'armée française a été virée, celui au Burkina Faso qui a aussi entraîné le départ des soldats français, et le mois dernier le coup d’état au Niger où les putschistes demandent le départ des Français.
Dans ces pays, la Russie a joué un rôle considérable pour faire monter le ressentiment contre la France. Au Mali et au Burkina, la milice Wagner a remplacé les troupes françaises. Au Gabon, c’est différent. Les Russes ne sont pas à l'origine du putsch, et, même s'il faut rester prudent, à ce stade, les Français ne sont pas mis en cause.
Il y a sur place une base militaire française permanente avec 300 soldats environ. Il y a aussi 10.000 Français qui vivent au Gabon. Il faudra regarder comment les choses se passent, parce que si les Français devaient être chassés du Gabon, ce serait, pour eux, une catastrophe diplomatique et militaire.