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Espionnage, désinformation: un rapport alerte sur la "naïveté de la France"

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Un rapport parlementaire alerte sur la menace des ingérences étrangères pour la souveraineté nationale de la France et appelle le gouvernement à plus de vigilance.

La délégation parlementaire au renseignement a publié, ce jeudi, son rapport annuel. Les quatre députés et les quatre sénateurs en chargent du rapport appellent à un "réveil national" contre la "naïveté", et même le "déni" face aux tentatives d'ingérences, de déstabilisations et de désinformations étrangères. Ces dernières mettraient en danger la souveraineté nationale.

Une nouvelle menace, plus diffuse

Les parlementaires déclarent que l'on est entré dans une nouvelle ère. Le niveau de menace s’est accru, en raison du contexte international. Le rapport parle même de "basculement brutal" vers un monde de "confrontation" entre l’Occident et le reste du monde.

Il y a toujours l’espionnage classique à l’ancienne, avec des agents infiltrés, de faux diplomates. À ce jeu-là, les Russes sont toujours les plus actifs. Puis, il y a les autres formes, plus insidieuses, hybrides. Les Russes, par exemple, attirent dans leur sphère d’influence d’anciens dirigeants européens, en les nommant aux conseils d’administration de grands groupes, comme François Fillon par exemple, ou l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder.

La Chine, elle, s’appuie sur sa diaspora. 600.000 personnes vivent en France. Le rapport cite une loi chinoise de 2017 qui impose à tout citoyen "d'assister et de coopérer avec les activités de renseignement". En clair, cela veut dire que n’importe quel citoyen chinois, n’importe où dans le monde, est un potentiel espion. C’est le "front uni” du Parti communiste chinois.

Les Chinois sont par exemple très actifs dans les laboratoires de recherche scientifique français, en proposant notamment des financements, en rachetant aussi des entreprises, des start-up, dans le domaine des biotechnologies. 

Enfin, la Turquie est également citée. Le pays utilise de longue date l’islam pour étendre son influence, avec le financement de lieux de culte et l'envoi d’imams détachés dans les mosquées françaises, une pratique qui est devenue interdite. 

Une guerre de l'information

Les campagnes de manipulation et de désinformation inquiètent également les parlementaires. Les fausses nouvelles sont de nouvelles armes dans cette guerre contre l’Occident. Il y a eu des tentatives d’ingérence dans la campagne américaine de 2016, dans celle du Brexit ou dans la présidentielle française de 2017.

C’est notamment "la marque de fabrique" des services russes, écrivent les parlementaires. En France, les médias Spoutnik et Russia Today ont été fermés, ce qui réduit la portée des actions russes. Mais Moscou a redéployé ses moyens en Afrique, notamment, explique le rapport, pour y diffuser un discours anti-français, que l’on voit monter ces derniers mois.

Cette guerre de l’information se joue aussi sur les réseaux sociaux. La Chine possède une armée de petites mains dans le domaine. On l’appelle "le parti des 50 centimes", composé de bataillons d’internautes, payés 50 centimes de yuan (6 centimes d'euros) pour chaque article favorable au régime relayé sur les réseaux. 

La France en retard

Les parlementaires continuent de constater des vulnérabilités du côté des Français. Le budget de nos services de renseignements est certes en hausse, avec près de 20.000 agents, 3 milliards d’euros de budget en 2022, et 5 milliards supplémentaires budgétés pour 2024-2030.

Mais les élus estiment qu’il faut une loi dédiée à la prévention des ingérences. Être plus ferme, mieux identifier les personnes qui défendent des intérêts étrangers, les sanctionner quand ils menacent la souveraineté nationale ou geler leurs avoirs, c'est ce qui est conseillé par le rapport.

Il faut aussi continuer à sensibiliser partout. Depuis 2021, un plan national a été lancé pour alerter et former les élus locaux ainsi que leurs collaborateurs. Les entreprises doivent elles aussi apprendre à mieux détecter ces nouvelles menaces.

Sébastien Krebs