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"J'essaie de les faire jouer pour qu'ils oublient la faim": à Gaza, ce père témoigne de la famine sur place

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L'ONU a accusé mardi l'armée israélienne d'avoir tué à Gaza, depuis fin mai, plus de 1.000 personnes qui tentaient d'obtenir de l'aide. Sur place, la famine persiste, l'aide humanitaire arrive au compte-goutte.

A Gaza, "l'horreur, les morts et les destructions" sont "sans équivalent dans l'histoire récente". Les mots sans équivoque de l'ONU mardi qui déplore, en moins de deux mois, la mort de plus de 1.000 personnes, tuées selon elle par l'armée israélienne alors qu'elles tentaient d'obtenir de la nourriture.

Nourriture qui se fait de plus en plus rare, alors qu'Israël laisse toujours entrer l'aide humanitaire au compte-gouttes. L'un des hôpitaux de l'enclave a assuré mardi que 21 enfants sont morts de malnutrition ou de faim dans le territoire palestinien en 72 heures.

Plus d'une centaine d'organisations humanitaires ont averti mercredi qu'une "famine de masse" se propageait dans la bande de Gaza.

"Nous n'avons que de l'eau et du sel"

Les Gazaouis sont affamés. Est-ce que les enfants ont de quoi se nourrir? La question est posée à un habitant contacté par RMC.

"Ils n'ont pas mangé depuis hier, nous n'avons que de l'eau et du sel".

Réponse cinglante à laquelle Ahmed Abou Mohamed joint une vidéo, empreinte du plus triste des sarcasmes. On peut y voir ses fils, Hammoud, 8 ans, et Yazan, 6 ans, faire semblant de savourer un plat.

L'assiette est vide, leurs cuillères sont vides. Leurs regards rieurs pourtant tournés vers la caméra: "J'essaie de les faire jouer pour qu'ils oublient la faim mais ils me réclament tout le temps de la nourriture. Ils ont tout le temps envie de vomir".

Il reprend son souffle : "Et moi, j'ai à peine la force de m'en occuper".

"Avant je pesais 75 kg, maintenant j'en fais 52. Si nous restons dans cette situation encore un ou deux jours, nous finirons hospitalisés ou morts", conclut-il.

Distributions tendues: "Beaucoup ne reviennent pas vivants"

Lorsque nous arrivons à le joindre, Mohmed, lui, rentre tout juste d'une distribution d'aide. Une fois de plus, il a dû jouer des coudes pour obtenir quelques litres d'eau potable: "Il y a trop de monde". Mais ce n'est pas tout.

"Beaucoup ne reviennent pas vivants. Les soldats tuent les gens comme dans un jeu mortel".

"Alors tant pis", conclut-il, "peut-être que je n'irai plus".

"Politique délibérée"

Cette malnutrition est organisée selon Jean-Guy Vataux, coordinateur des actions de Médecins Sans Frontières à Gaza: "Depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, le gouvernement israélien restreint les quantités de nourriture qui peuvent rentrer dans la bande de Gaza. Mais à des niveaux qui ne permettent pas aux gens de s'alimenter".

Une des conséquences c'est donc la malnutrition pour les plus pauvres, mais aussi des prix sur les marchés extrêmement importants. Exemple, "l'un de mes collègues vient d'acheter un kilo de riz à 30 euros", détaille Jean-Guy Vataux.

"Donc cette situation de malnutrition se développe lentement, la population est étouffée mais elle se développe sûrement et elle est le fruit d'une politique délibérée", dénonce-t-il.

La France réclame un laissez-passer pour les journalistes à Gaza "pour montrer ce qu'il se passe" sur le territoire palestinien. Mais Reporters sans frontière sa indiqué mardi que plus de 200 journalistes avaient été tués à Gaza depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

Solenn Guillanton et Inès Zeghloul