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Pourquoi Emmanuel Macron menace de retirer les troupes françaises au Mali

EXPLIQUEZ-NOUS - Le chef de l'Etat menace de retirer les troupes françaises du Mali, si le pays devait  se tourner vers les islamistes. Un coup de bluff?

L'armée Française doit-elle retirer ses troupes du Mali? Emmanuel Macron envisage sérieusement ce scénario, dans une interview parue dans Le Journal du Dimanche. Le président, qui rentre d'un déplacement au Rwanda et en Afrique du Sud, a dénoncé "un coup d'Etat inacceptable".

Celui qui est visé par cette menace d'Emmanuel Macron, c’est l’homme fort du Mali, le colonel Assimi Goïta, auteur de deux coups d'État en moins d’un an. Il n’a que 38 ans, c’est l’ancien chef des forces spéciales maliennes. En août dernier, il avait démis de ses fonctions le président IBK, en l'arrêtant et en l'emprisonnant dans une caserne. Pour sauver les apparences, il avait alors laissé la place de président à un civil, en réalité un général qui venait de prendre sa retraite. Et lui s’était réservé le poste de vice-président.

Mais lundi dernier, rebelote, mécontent d’un remaniement ministériel, il a de nouveau fait arrêter à leurs domiciles, le président et le Premier ministre. Il les a enfermés dans la même caserne jusqu'à ce qu’il démissionne. Et ce week-end, la cour constitutionnelle a nommé ce jeune colonel chef de l'État. Le Mali est donc officiellement dirigé depuis samedi par un militaire putschiste.

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Pourquoi est-ce inacceptable pour la France? Parce que la France se retrouve de fait à soutenir un régime qui n’a aucune légitimité. Mais surtout parce que la France et ce gouvernement putschiste ne sont plus sur la même longueur d’onde. La France entretient, plus de 5000 hommes sur place. Elle combat les groupes terroristes dans le désert, et n’envisage aucune négociation avec ces organisations liées à Al-Qaïda et à l'État Islamique. À l’inverse, les militaires maliens cherchent à renouer le dialogue avec les islamistes.

Ils l’ont prouvé en octobre dernier. Ils avaient alors libéré 200 djihadistes en échange de quatre otages, dont la Française Sophie Petronin. Les Français n’avaient pas été consultés alors que les 200 islamistes libérés avaient pour la plupart été arrêtés par l'armée française.

C’est pour cela qu’Emmanuel Macron a lancé dimanche cet avertissement: “Si le Mali allait dans le sens de l’islamisme radical, et il y a aujourd’hui cette tentation, la France retirerait ses troupes”.

55 morts chez les soldats Français

En fait, on ne soupçonne pas le nouveau colonel président malien d’être lui-même un islamiste radical, mais plutôt d’avoir décidé de composer avec les radicaux pour asseoir son pouvoir dans tout le pays. 

“Et ce n’est pas pour ça que les soldats français sont là. L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place? Jamais de la vie”, s’exclame Emmanuel Macron.

Le retrait des troupes françaises serait tout de même un échec. Ce serait le retour au point de départ, ce serait laisser la voie libre à Al-Qaïda pour reprendre le pouvoir dans tout le nord du Mali. Ce serait potentiellement catastrophique. Ce serait aussi admettre que 55 soldats français sont morts pour des résultats très maigres.

Mais rester n’est pas la solution non plus. C’est une guerre ingagnable, comme toutes les guerres d’occupation. Dans son entretien au Journal Du Dimanche, Emmanuel Macron explique que cela fait trois ans qu’il dit lors des conseils de défenses qu’il faut penser à la sortie. “Nous n’avons pas vocation à rester éternellement là-bas”. Reste à savoir ce que “pas éternellement" veut dire.

Le problème est que la France est seule dans cette galère. Cela fait huit ans que la France espère le soutien de l'Europe. Que Paris explique à ses voisins que le Sahel est à notre frontière sud et qu’il faut l'empêcher de passer aux mains des islamistes.

Mais “cause toujours”: les Européens considèrent que c’est une affaire française dans les anciennes colonies françaises et qu’il est urgent pour eux de ne rien faire. Seules l'Estonie, la République Tchèque et la Suède ont envoyé de petits détachements. C’est tout à fait symbolique.

Et plus le temps passe, plus l'armée française est contestée. L'armée et la France en général. À Bamako, capitale du Mali, les mêmes qui avaient acclamé les Français à leur arrivée il y a 8 ans, demandent aujourd’hui leur départ. Il y a eu des manifestations avec des pancartes: "Les Français dehors". 

Une partie de la jeunesse malienne reprochent aux Français à la fois d’être là et de n’avoir pas plus de résultats contre les terroristes. C’est paradoxal et c’est pour ça que cette opération militaire ressemble de plus en plus à un "bourbier".

Nicolas Poincaré