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Russie: mais qui a tué Evgueni Prigojine?

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Dans "Apolline Matin" ce lundi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré revient sur la mort d’Evgueni Prigojine, le chef de Wagner, dans le crash de son avion la semaine dernière.

La mort d’Evgueni Prigojine a été confirmée ce week-end par les autorités russes. Selon elles, le chef de la milice Wagner était bien à bord de l’avion qui s’est écrasé mercredi dernier au nord de Moscou. Le comité chargé de l'enquête sur ce crash aérien a retrouvé dix corps dans les décombres, et a identifié ces dix victimes en procédant à des tests génétiques. Et il s’agit bien des dix personnes inscrites sur la feuille de vol, dont le célèbre patron de la milice Wagner. Officiellement, il n’y a donc plus de doute, Evgueni Prigojine est bien mort la semaine dernière, exactement deux mois après sa tentative de putsch contre Vladimir Poutine

Reste à savoir qui est responsable de sa mort. “Ce n’est pas nous”, dit le Kremlin. La présidence russe a démenti vendredi avoir commandité cet assassinat. Et ce week-end, des médias russes proches du pouvoir ont commencé à évoquer la piste d’un suspect: Artem Stepanov, le pilote personnel du chef de la milice Wagner. Pilote mais aussi patron de la société qui possède le jet qui s’est écrasé. Il n’était pas aux commandes de l’appareil, mercredi dernier. Il était apparemment en vacances à l’autre bout de la Russie. Les enquêteurs pensent qu’il aurait pu avoir accès au jet privé de Prigojine à Moscou à la veille de son départ, et pourquoi pas saboter l’avion ou bien placer une bombe dans le châssis de l'appareil.

Des informations à prendre avec beaucoup de précautions. Elles sont publiées par des sites d’infos proches des services de sécurité russes. Lesquels services font partie des principaux suspects de cet attentat. Le pilote pourrait bien être un bouc émissaire destiné à détourner l’attention…

Une tournée en Afrique avant le crash

Ce que l’on découvre, en tout cas, c’est que Prigojine pouvait circuler librement. C’est le plus étonnant dans cette affaire. En juin dernier, après sa tentative de putsch, le patron de Wagner avait obtenu la promesse de ne pas être poursuivi à condition de cesser ces activités de mercenaire et de quitter la Russie en s'exilant en Biélorussie.

Mais la semaine dernière, Prigojine rentrait d'Afrique et s’est posé à Moscou avec un avion de transport militaire de Wagner, avant de prendre son jet privé pour rentrer à Saint-Pétersbourg, sa ville natale et le siège de sa compagnie. Il n’avait donc tenu aucun de ses engagements, ni quitté le pays, ni cessé ses activités. Et en particulier, ses activités en Afrique, celles qui lui rapportaient le plus d’argent.

Le Wall Street Journal a reconstitué les derniers jours de l’ancien gangster devenu chef de guerre. La semaine dernière, il était à Bangui, capitale de la Centrafrique, où ses mercenaires assurent la sécurité du président en échange de l’exploitation de mines. Et il s'était déplacé pour dire au président centrafricain de ne pas s'inquiéter, qu’il allait continuer à le protéger et ne pas écouter Moscou qui affirme le contraire.

Et puis, toujours à Bangui, toujours la semaine dernière, Prigojine a reçu une délégation de rebelles soudanais qui sont venus lui remettre des caisses de lingots d’or en remerciement de son aide militaire. Et Prigojine leur aurait dit: “J’en veux plus”.

Ensuite, il s’est rendu au Mali, où il a enregistré une vidéo pour dire que Wagner n’allait pas quitter le pays. Il a aussi fait des offres de services aux putschistes nigériens pour les aider à virer les Français… Et enfin, il est rentré en Russie, via Damas.

Il était donc totalement libre de ses mouvements, mais il se déplaçait tout de même comme un fugitif. Pas parce qu’il craignait Poutine depuis sa tentative de putsch, mais plutôt parce qu’il craignait d'être intercepté par les Américains lors de ses voyages en Afrique ou au Moyen-Orient. Les Américains offraient 10 millions de dollars à quiconque permettrait son arrestation.

Le Wall Street journal raconte qu’il voyageait avec des avions sans transpondeur, pour ne pas être repéré, qu’il avait toujours de faux passeports, et souvent des perruques et des fausses barbes. Lors d’un voyage en Libye, il était apparu déguisé en salafiste. Sa vie ressemblait à un film de James Bond…

Nicolas Poincaré