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Train: pourquoi le Royaume-Uni fait marche arrière et renationalise le secteur du rail

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Après 30 ans de douloureuse privatisation, le gouvernement fait marche arrière et reprend les commandes du rail britannique. Dimanche, la compagnie ferroviaire South Western Railway, est devenue la première à repasser dans le secteur public.

Alors qu’en France l’époque est à l’ouverture à la concurrence sur le réseau national et au développement de compagnies privées en régions, de l'autre côté de la Manche, l'ambiance est toute autre.

Hier matin, à 6h14, un train est parti de la gare de Londres Waterloo à destination de Shepperton. Un train qui a tout d'ordinaire, sauf que celui-ci a attiré médias et politiques britanniques : c'est le premier train à circuler sous la bannière Great British Railways, la nouvelle compagnie publique britannique.

La South Western Railway, la ligne Sud-Ouest était jusque-là exploitée par une entreprise privée. Désormais, elle repasse à la responsabilité de l'État. Renationaliser le rail était une promesse de campagne du gouvernement travailliste.

Un service longtemps morcelé

L'Angleterre acte donc définitivement l'échec de son modèle privatisé. La ligne avait été adoptée en 1993 sous l'impulsion du Premier ministre John Major, dans la droite ligne de Margaret Thatcher, le Royaume-Uni.

Le réseau est alors morcelé entre les infrastructures d'un côté, et l'exploitation des lignes de l'autre, confiée à des opérateurs différents selon les régions. Objectif affiché : efficacité, compétitivité, modernité.

Mais très vite, les problèmes s'accumulent : retards chroniques, trains annulés, tarification opaque... À cela s’ajoute surtout une série d’accidents dramatiques qui font plusieurs morts, notamment celui d'Hatfield en 2000, qui fait quatre morts et 70 blessés.

A l'époque, l'enquête a conclu au manque d'entretien et d'investissements de sécurité de la compagnie privée qui exploitait la ligne.

"British Rail n'existait plus, on lui a coupé la tête, on l'a saucissoné, on l'a vendu aux enchères.... C'était ça le modèle britannique", analyse l’économiste Patricia Pérennes, "clairement ça n'a pas bien marché".

L'Etat reprend la main

D'autant plus qu'il faut souligner l'ironie de la situation : malgré la privatisation, les subventions publiques n’ont jamais cessé d’augmenter. Coûts de gestion, rémunération des actionnaires, lignes déficitaires, plans de secours en cas de faillite... À certains moments, les contribuables britanniques ont même payé plus pour le rail privatisé que sous l’ère publique.

"La mise en concurrence s'est faite sur un an, d'un coup, en mettant en concurrence beaucoup de lignes de chemins de fer en même temps", explique l'économiste. "C'était soit des étrangers, soit des entreprises qui faisaient des autocars, des concurrents qui sortent de nulle part", continue-t-elle.

Alors, depuis les années 2010, plusieurs lignes ont déjà été reprises par l'État. Mais il ne s'agissait alors que de mesures présentées comme temporaires, en attendant de nouveaux appels d’offres.

Mais à mesure que les compagnies privées échouaient les unes après les autres, la liste des lignes sous contrôle public s’allongeait. La renationalisation a commencé à bas bruit avant d'être officialisée par le gouvernement actuel.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
Le dossier compliqué par Matthieu Belliard : Royaume-Uni, vaste campagne de renationalisation du rail - 26/05
3:22

La "fin du gaspillage"

Toutefois, les trains ne seront pas moins chers pour les Anglais pour autant. Le gouvernement assume de se concentrer sur la fiabilité du service : rendre les trains plus ponctuels, mieux coordonnés, plus simples à utiliser... La qualité du réseau est la priorité de la ministre britannique des transports.

Dans le système privé, des voyageurs étaient contraints de changer de train en gare pour un simple trajet régional, faute d'entente entre deux compagnies. Il fallait parfois acheter plusieurs billets, en cas de correspondances. Les Anglais se plaignent aussi d'un manque de lisibilité sur les prix.

Le train parti dimanche est donc la première étape d'une nouvelle ère pour les rails anglais. Le gouvernement prévoit de récupérer toutes les concessions privées d'ici 2027, à mesure de l'expiration des contrats. L'ensemble du rail britannique sera donc unifié sous une même entité publique : la Great British Railways.

L'État promet de centraliser les investissements, d'harmoniser les horaires et de mieux répondre à la crise climatique, en facilitant l’usage du train. "Nous allons dire adieu à 30 ans d’inefficacité et de gaspillage", a annoncé la ministre des Transports.

Matthieu Belliard, Amélie Courtet et LAM