Un parfum de djihad: la première enquête sur les Françaises parties rejoindre l'Etat islamique

- - -
C'est une plongée au cœur du quotidien des Françaises parties en Syrie et en Irak pour faire le djihad. Des témoignages depuis Raqqa, la capitale de l'Etat islamique, Mossoul ou d'autres villes syriennes, recueillis pendant 3 ans par les deux journalistes Edith Bouvier et Céline Martelet, grand reporter à RMC. Dans Un parfum de djihad, qui paraît ce jeudi 22 mars (éd. Plon), on découvre ce qui a poussé ces jeunes femmes à quitter leur famille, leur pays, pour rejoindre les rangs de l'Etat islamique. On suit leur vie quotidienne faite d'ennui, de cuisine, de shopping, mais aussi de doutes, de peur… On y lit le désespoir de celles qui se rendent compte qu'elles se sont trompées en venant sur ces terres de guerre, dans les bras de Daesh. Mais aussi la radicalisation toujours plus grande des plus fanatisées, dont plus d'une centaine sont toujours là-bas, parfois "prêtes à se faire exploser à tout moment".
"Une fenêtre sur la France"
"J'ai commencé à recueillir les témoignages de ces femmes en 2014, après un reportage où je m'étais fait passée pour une candidate au jihad, raconte Céline Martelet. Après m'avoir insultée, parfois menacée en découvrant finalement que j'étais journaliste, certaines ont commencé à discuter avec moi. Elles venaient vers moi et Edith Bouvier, pour prendre des nouvelles de la France, vérifier des informations sur le pays, parfois pour faire de la propagande – nous coupions dès lors la discussion. Elles nous parlaient de leur quotidien, de leurs enfants. Elles le faisaient parce qu'elles se sont beaucoup ennuyées, et parce qu'on était une fenêtre sur ce qu'il se passait en France. Surtout on ne les jugeait pas et on ne leur disait pas de revenir ici, comme le faisait leur famille. Je pense que c'est pour cela qu'elles ont continué à nous parler", notamment via les messageries Telegram ou Whatsapp.
"Cuisine, shopping et ragots au cœur de la guerre"
"Ça permet de voir qu'elles ont vécu quasiment normalement à Raqqa, Mossoul ou d'autres villes syriennes, poursuit Céline Martelet. Elles faisaient leurs courses, la cuisine, se voyaient 'entre sœurs' comme elles disent, faisaient circuler des ragots sur les autres filles, comme des adolescentes normales. Sauf qu'elles vivaient au milieu de la guerre. Dans nos conversations surgissent parfois la peur, les bruits des bombardements, ou les pleurs de leurs enfants... C'est une plongée dans leur monde. C'est un parfum de djihad qui est souvent désagréable, en tout cas étonnant et parfois bouleversant parce que certaines ont voulu partir mais n'ont jamais réussi à quitter cet endroit", raconte Céline Martelet.
"Prévenir de nouveaux départs"
"Parfum de Djihad n'est pas du tout dans la compassion, n'est pas dans l'analyse, et se contente de livrer des faits", prévient la journaliste. "Ce qu'on découvre c'est que la majeure partie de ces filles, pour beaucoup des Françaises converties, ont un parcours très compliqué. Il y a souvent l'absence du père, des mamans peu présentes, des parents alcooliques, des mères étouffantes… Certaines filles ont subi des abus sexuels. Quand elles partent là-bas, c'est pour la plupart pour fuir tout ça. Il y en a aussi qui ont suivi leur amoureux là-bas. Quand on creuse, on voit qu'il y a toujours une cassure dans leur vie, elles ont fui quelque chose en France et sont allées là-bas pour tenter de construire une autre vie. Cela n'en fait pas des victimes, mais on ne choisit pas de faire ce voyage là sans qu'il y ait eu quelque chose au départ. D'autres au contraire, sont des converties qui partent parce qu'elles estimaient qu'elles ne pourraient pas vivre leur islam en France".
Parfum de djihad est le premier livre-enquête sur ces femmes parties rejoindre une organisation terroriste. Au-delà du désir de comprendre la motivation de toutes ces femmes, Edith Bouvier et Céline Martelet veulent prévenir de nouveaux départs. "Il y avait déjà eu des départs pour l'Afghanistan à la fin des années 1990, il ne faudrait pas que dans 10 ans on reparle encore des mêmes sujets parce qu'on n'aura pas vu ces filles basculer".
