Vers un procès pour Sarkozy dans l'affaire Kadhafi: que reproche-t-on à l'ex-Président?

L'ancien président Nicolas Sarkozy, le 10 avril 2022 à Paris - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP
C'est le bout d'une instruction interminable qui dure depuis dix ans déjà. Le parquet a requis jeudi le renvoi devant le tribunal correctionnel de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Le feuilleton judiciaire devrait donc s'achever par un grand procès médiatique.
Après ses dix ans d'enquête, le parquet national financier a donc rédigé son réquisitoire, c’est un document de plus de 400 pages. Pour demander que Nicolas Sarkozy soit jugé pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de fonds publics Libyens.
Les procureurs justifient ainsi leurs réquisitions: il ressort de l'enquête, disent-ils, que plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont agi avec constance pour obtenir des soutiens financiers des autorités libyennes et de Mouammar Kadhafi. Les procureurs estiment que ces agissements ne pouvaient pas être engagés sans l’aval de Nicolas Sarkozy.
Ils accusent donc clairement l’ancien président d’avoir laissé ses proches demander à Kadhafi de très grosses sommes d’argent pour financer sa première campagne présidentielle en 2007. Et de l’avoir fait en parfaite connaissance de cause.
Trois ministres aussi attendus
Le parquet demande le renvoi en correctionnel de 12 autres personnes dont trois anciens ministres dont Claude Guéant et Brice Hortefeux, deux très proches de Nicolas Sarkozy, deux anciens ministres de l'intérieur, et Eric Woerth, ancien ministre, mais surtout ancien trésorier de la campagne. Les procureurs voudraient aussi que soient jugés deux hommes d’affaires soupçonnés d’avoir été les principaux intermédiaires: Alexandre Djouhri et Ziad Takieddine.
Takieddine est un personnage central de cette affaire. C’est le principal accusateur. Il a raconté à Mediapart puis aux juges avoir personnellement livré des valises de billets à Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur. Il a un moment changé de version et affirmé que tout cela était faux, puis il a de nouveau fait volte-face pour revenir à sa version initiale.
Il a aujourd'hui 72 ans, il a été condamné à 5 ans de prison dans une autre affaire et il s’est enfui au Liban. S’il devait être jugé dans l’affaire libyenne, il y a peu de chance qu’il se présente à l’audience…
L'accusation repose aussi sur des témoignages libyens. Mais ceux-ci sont soit morts, soit en fuite. À commencer par Mouammar Kadhafi lui-même qui un peu avant sa mort s’est vanté d’avoir fourni les fonds qui ont permis à Nicolas Sarkozy de gagner.
Son ministre du pétrole, rédigeait des carnets dans lesquels il était question de versement au candidat français mais ce ministre a été retrouvé noyé dans le Danube. L'ex-directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh, a aussi porté des accusations mais il a aujourd’hui disparu. Il serait entre l’Afrique du Sud et Dubaï.
"Où est l’argent?", demande Nicolas Sarkozy
Quant à Nicolas Sarkozy, il conteste formellement les accusations portées contre lui. Avec constance et avec toute son énergie. Devant les juges il a fait remarquer qu’ils n’avaient de preuve de rien. Ni les preuves de l’arrivée de l’argent, ni les preuves de la sortie. "Où est l’argent ?", demande Nicolas Sarkozy.
L’ancien président, comme les 12 autres mis en cause a maintenant trois mois pour faire des observations, puis les juges d’instruction rendront leur décision. Le renvoi en correctionnelle est le scénario le plus probable.
En attendant, Nicolas Sarkozy connaîtra mercredi prochain le jugement en appel dans l’affaire dite des écoutes. Il a été condamné en premiere instance à un an de prison ferme pour corruption et trafic d’influence. Et à l'automne prochain il sera rejugé en appel dans l’affaire Bygmalion pour laquelle il avait aussi été condamné à un an ferme. L’ancien président n’a pas fini de fréquenter le palais de justice…