Loi sur la garde alternée: "Ce texte va aggraver la situation des femmes victimes de violences"

- - -
- Françoise Brillé est directrice de la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF).
"Le texte initial propose la résidence alternée comme principe. Même avec les amendements, cela reste l'idée sous-jacente. On fixe une norme à l'ensemble des familles pour la séparation et le divorce.
Or chaque situation particulière est importante. On peut découvrir, au moment d'une audience aux affaires familiales, qu'il y a des violences conjugales. Celles-ci sont déjà souvent reléguées au second plan dans les décisions des magistrats qui concernent les enfants après une séparation.
Il y a des cas où des résidences alternées sont décidées alors qu'il y a des situations de violence qui ne permet pas à une femme qui a un conjoint violent de s'éloigner. Et elle reste sous emprise. 1 femme sur 10 est victime de violences. Ce texte va aggraver leur situation et amoindrir encore les dispositions la loi actuelle, qui demandent qu'on prenne en considération ces violences.
"L'attribution des allocs est égalitaire alors que la domiciliation n'est pas à 50-50"
Beaucoup de parents ne sont pas prêts à une résidence alternée. A la FNSF, on n'est pas contre, mais dans des conditions particulières: que les parents s'entendent bien. Suggérer la garde alternée comme norme alors que les parents sont en conflit, c'est extrêmement compliqué pour l'enfant à gérer.
L'autre problème est que la loi prévoit une double domiciliation administrative. Alors que cette répartition n'est pas forcément 50-50. Les impôts en tiendront compte dans le calcul du quotient familial et cela aura une conséquence sur l'attribution de certaines allocations familiales qui elles, risquent d'être égalitaires. Car souvent les femmes ont les enfants plus souvent. Cela risque d'entraîner une précarisation plus grande de ces femmes dont on sait qu'elles ont, en général, souvent un niveau de vie inférieur à leur conjoint. Cela diminue leurs ressources."
- Philippe Latombe est député MoDem de Vendée et initiateur de la proposition de loi sur la résidence alternée.
"Le principe de cette proposition est de dire que les enfant ont le droit d'avoir leurs deux parents dans leur construction et leur éducation. Les études montrent que la coparentalité est toujours un mieux être pour l'enfant. Il a une meilleure insertion dans la société, une meilleure construction…
La résidence alternée est aujourd'hui relativement peu usitée - dans 17% des cas. Parfois en raison de la démission d'un certain nombre de parents, qui ne veulent pas entrer dans ce système parce qu'ils estiment que leur lien à eux avec leur enfant est plus important que celui de leur conjoint. Ou d'autres qui disent qu'ils ne sont pas les mieux placés en raison de leur rythme de travail.
"Il n'a jamais été question de résidence alternée quand il y a des violences"
Or on a une évolution sociétale. Les deux parents s'impliquent de plus en plus dans leur éducation. On a constaté que dans la majeure partie des cas, 60%, quand l'un des parents s'oppose à la résidence alternée, ça ne marche pas. Et dans le cas où c'est la mère qui s'y oppose et le père qui la demande, la résidence est très majoritairement confiée à la mère. On ne souhaite pas qu'il y ait des "parents-week-end" ou des "parents-vacances".
Il faut tordre le cou aux arguments selon lesquels cela va mettre en péril les femmes victimes de violences. C'est une réaction exagérée. Le dispositif juridique ne change rien par rapport à l'existant. Le juge reste celui qui décide. Le régime actuel de la résidence alternée est étudié par le juge de la même façon. L'article du Code civil auquel on se réfère ne les évoque pas. On a remis les deux alinéas du Code civil qui prévoit qu'un juge peut organiser des droits de visite. Mais il n'a jamais été question de résidence alternée quand il y a des violences.
S'agissant de la contribution économique à l'éducation de l'enfant, le barème peut être modulé par le juge à la baisse ou à la hausse en tenant compte des allocations perçues par chaque parent. Le juge peut tout à fait décider d'une majoration. A noter que la résidence alternée ne concerne que les divorces , pas la séparation de couples pacsés ou en concubinage."