Une victime de violences conjugales: "Au commissariat, ils m'ont dit de revenir plus tard"
A la veille de la journée internationale des violences faites aux femmes, ce samedi, l'Observatoire national publie des chiffres alarmants. L'an dernier, une femme a été tuée tous les trois jours par son partenaire ou ex-partenaire. Plus d'un quart d'entre elles (30 femmes) étaient déjà identifiées soit par leur entourage, soit par les forces de l'ordre.
Les policiers sont souvent les premiers interlocuteurs des femmes victimes de violences. La question de l'accueil en commissariat est donc cruciale - d'autant qu'elle est souvent vécue comme une nouvelle épreuve par les victimes - tout comme la formation. A l'école de police, les jeunes recrues sont formées à l'accueil et sont mises en situation, notamment en cas d'intervention dans un appartement pour violences conjugales. Mais il n'y a pas de formation initiale obligatoire spécifique aux violences faites aux femmes.
Aujourd'hui, seuls les agents des brigades de protections de la famille reçoivent une formation consacrée à la question, sur trois jours. Alors pour l'ensemble des autres services, des formations continues sont proposées sur la base du volontariat. Comme c'était le cas vendredi dernier, au Chesnay dans les Yvelines. Formation qu'a pu suivre RMC, avec 13 policiers.
"Je ne voulais plus revenir au commissariat"
La particularité de cette formation. C'est l'intervention de Noura Bellili, une victime de violences conjugales qui est venue raconter son expérience avec la police. "Je suis arrivée au commissariat pour déposer une main courante. Et on m'a dit, 'désolé il n'y a personne, tout le monde est parti déjeuner'. J'avais fait en sorte de mettre les enfants à la cantine, c'était le moment où je voulais y aller. Et on m'a demandé de revenir à 14h… Je n'ai redéposé une main courante que trois ans après. Je ne voulais plus revenir au commissariat".
Noura Bellili a subi pendant 15 ans les coups et les menaces de son conjoint, avant de finalement déposer plainte et d'être confrontée aux questions des enquêteurs. "On m'a demandé pourquoi j'avais attendu autant de temps. Tous ces pourquoi, ça m'a déstabilisée. Le pourquoi, ça veut dire quelque part qu'on a une responsabilité. J'aurais souhaité qu'on me dise qu'il y a des associations qui pouvaient m'aider, qu'on allait me mettre en relation avec des assistantes sociales… J'aurais aimé être entourée." Aujourd'hui, Noura Bellili intervient bénévolement dans les formations des policiers pour les aider à mieux comprendre et mieux accompagner les femmes victimes de violences.
Nathalie, policière: "Cette personne, on n'a pas su l'aider"
Nathalie, gardienne de la paix dans les Yvelines, a décidé de suivre cette formation. C'est sa propre expérience qui l'a poussée à venir. "Il y a deux ans, j'avais eu trois fois une personne dans mon bureau pour me dire que son ancien compagnon la suivait, la harcelait. Et un matin quand je suis arrivée au travail, j'ai appris que son compagnon lui avait tiré une balle dans la tête avant de se suicider. Je me suis sentie inutile. Cette personne-là, on n'a pas su l'aider, on n'a pas vu venir le drame. Ça m'a marquée. Aujourd'hui, je suis beaucoup plus attentive. Je fais en sorte de ne pas juger les femmes qui viennent déposer plainte, et de les orienter vers les associations pour qu'elles puissent trouver de l'aide en dehors de la procédure judiciaire".
Une meilleure prise en charge des victimes indispensable. 225.000 femmes âgées de 18 à 75 ans déclarent en effet avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année… et moins d'une sur cinq déclare avoir déposé plainte.