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CRS en renfort à Marseille après les fusillades: "C’est de la police judiciaire dont on a besoin"

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Dans "Apolline Matin" ce mardi sur RMC et RMC Story, le journaliste d'investigation Frédéric Ploquin, spécialiste du banditisme, doute de l'apport de la compagnie de CRS envoyée en renfort à Marseille après la triple fusillade mortelle dans la nuit de dimanche à lundi. Une présence utile pour tenter de rassurer les habitants, mais pas pour lutter contre le trafic de drogue.

La CRS 8 sur la route, direction Marseille. Gérald Darmamin, le ministre de l’Intérieur, a annoncé ce lundi l’envoi de cette compagnie spécialisée dans les violences urbaines pour "renforcer encore l’action résolue" de la préfecture de police, après les trois fusillades qui ont fait trois morts dans la nuit de dimanche à lundi. "Onze officiers de police judiciaire arriveront par ailleurs d’ici septembre pour renforcer la BRI et créer un groupe supplémentaire à la brigade criminelle, ajoute Gérald Darmanin. Ces deux dernières années, 300 policiers supplémentaires ainsi que 3 unités de CRS (240 policiers) à demeure ont été déployés à Marseille. Depuis le début de l’année, 509 individus ont été interpellés pour trafic de drogue dans le département des Bouches-du-Rhône.

Pour Frédéric Ploquin, grand reporter d’investigation et spécialiste du banditisme, co-auteur de "Jacky le Mat, le parrain, le showbiz et les politiques” (Plon), les CRS ne seront utiles que pour tenter de rassurer les Marseillais. "Un CRS, ça connait parfaitement la question du maintien de l’ordre, les manifestations… C’est formé pour ça. Mais ça n’est absolument pas formé pour faire des enquêtes de police judicaire, remonter un trafic, enquêter sur un crime… Ils peuvent être importants sur une chose. Il ne faut pas oublier les populations qui vivent dans ces quartiers et qui peuvent être prises en otage par les trafiquants. La présence de CRS, même s’ils ne seront pas là jour et nuit, peut rassurer la population. Mais c’est de la police judiciaire dont on a besoin, d’enquêtes au long cours", explique-t-il dans "Apolline Matin" ce mardi sur RMC et RMC Story.

Orléans, Rennes… Des scènes de violences qui risquent de se répandre

Pour Frédéric Ploquin, les méthodes ultra violentes des trafiquants de drogue de Marseille risquent de se répandre. "Ce week-end, dans une ville comme Orléans, des policiers m’ont raconté une scène assez inouïe, qu’on voit dans les films. Deux voitures, en pleine ville, en pleine nuit, se sont livré à une chasse entre elles. La seconde tirait sur la première à la kalachnikov, à l’arme de guerre. Il y a visiblement eu un mort, mais on n’en a pas encore parlé. On parle de Marseille parce que c’est Marseille… Mais ça se passe ailleurs sur le territoire. A un moment donné, la voiture poursuivie a lâché un mort devant l’hôpital du coin. Et ils ont disparu dans la nature. Ils sont recherchés actuellement. C’est un type de comportement complètement débridé, un peu à la sud-américaine. Les trafiquants de Marseille ont toujours un temps d’avance sur les autres. Mais il faut s’attendre à ce que les pratiques des trafiquants de Marseille s’étalent et fassent tache d’huile, se retrouvent ailleurs, dans des villes totalement inattendues. A Rennes, il y a quelques jours, il y a eu deux morts dans un règlement de compte. A Toulouse, il y a une génération qui a formé des jeunes. Il faut montrer qu’on est le plus fort, le plus beau, qu’on ose tout…"

Et les organisateurs des trafics se trouvent souvent bien loin des scènes de règlement de compte. "Ce sont les distributeurs des produits stupéfiants qui s’entretuent, en fait, explique Frédéric Ploquin. Les fournisseurs, les importateurs, qui brassent des millions à la pelle, sont en général à l’étranger. Ce sont eux les plus riches, les milliardaires de la drogue. Ils sont à Dubaï, en Algérie, au Maroc… En réalité, sur le terrain, ils auraient plutôt besoin d’ordre que de désordre. Cela montre à quel point ils ne réfléchissent pas. Si vous avez une cité où tout va bien, les clients vont venir sans aucun problème. Si vous vous entretuez, s’il y a du sang partout, les clients vont refluer. Ces gens n’ont pas l’intelligence requise, ils n’ont même pas le sens du business."

LP