De la prison ferme requise contre le "groupe AZF", qui menaçait la SNCF

Au terme de son réquisitoire, le procureur a réclamé cinq ans de prison dont quatre ans ferme contre Michel D., chef d'entreprise à la retraite, et trois ans de prison dont un an ferme contre Perrine R., une de ses anciennes employées. Le tribunal correctionnel de Paris rendra sa décision vendredi.
Même si la qualification terroriste a été abandonnée au cours de l'instruction, les faits poursuivis, qui "alimentent la peur et génèrent imitation et émulation", ont "instrumentalisé le vrai terrorisme", a dit le représentant du parquet.
"La peine demandée n'est pas utile"
Poursuivis pour association de malfaiteurs et fabrication et détention sans autorisation d'engins explosifs, les deux prévenus, âgés respectivement de 76 et 61 ans, encourent 10 ans de prison.
"Si le tribunal suit mes réquisitions, aucun de ces deux prévenus n'ira ou ne retournera en prison", les peines pouvant être effectuées à domicile sous bracelet électronique, a tempéré le procureur de la République.
Michel D. a déjà passé près de 9 mois en prison (de juin 2018 à mars 2019) puis a été assigné à résidence sous bracelet électronique de mars 2019 à février 2021. Perrine R., sous contrôle judiciaire depuis son interpellation en juin 2018, n'a jamais été mise sous écrou.
"La peine demandée n'est pas utile", s'est insurgée l'avocate de Michel D., Me Lucile Collot, en faisant remarquer que "l'effet du temps a démontré que Michel D. est devenu un homme meilleur". Elle a ironisé sur une remarque du procureur qui a estimé que la pose d'un bracelet électronique ne "changerait pas beaucoup la vie d'un retraité".
"Allez demander à Patrick Balkany si c'est simple de vivre avec un bracelet", a-t-elle lancé.
"Je ne recommencerai jamais"
L'avocat de Perrine R., une femme cabossée par la vie, Me Jean-François Morant a "conjuré" le tribunal de ne pas infliger une peine de prison ferme à sa cliente.
Sans une dénonciation aux gendarmes, faites par l'ex-compagnon de Perrine R., 13 ans après les faits, "nous serions restés sur un dossier non résolu", a rappelé le magistrat. "Nous n'avons pas pu compter sur le remords des prévenus" pour se dénoncer, a-t-il déploré.
Au cours du procès, Michel D. a insisté sur le fait que les deux bombes placées sur les voies du réseau ferré n'étaient pas destinées à exploser. Mais, selon le procureur, "personne ne peut sérieusement affirmer qu'il n'y avait aucun risque".
La première bombe, découverte le 21 février 2004 sur le ballast de la ligne Paris-Toulouse à hauteur de Folles (Haute-Vienne), était "sophistiquée" et en état de fonctionner, selon les experts.
Une seconde bombe sera découverte fortuitement par un agent SNCF le 24 mars 2004 dans l'Aube, sur la voie Paris-Troyes-Bâle. Concernant Perrine R., le procureur a admis que son rôle fut "limité" tout en l'estimant "indispensable". Sans elle, "les faits n'auraient pas pu être commis", a-t-il estimé.
Selon un expert psychiatre, dont le rapport a été lu par la présidente de la 14e chambre, son discernement aurait été altéré. Perrine R. conteste cette allégation, affirmant avoir agi en conscience.
À la barre, Michel D. a expliqué que la rançon de 4 à 8 millions d'euros réclamée à l'Etat avait pour but de financer "un projet humaniste" de fabrication d'un "moteur à eau". "Je suis vraiment désolé d'avoir provoqué tout ce tourment", a déclaré Michel D. avant que le tribunal ne se retire pour délibérer.
"Je ne recommencerai jamais ce genre d'âneries", a-t-il promis.
Au nom de la SNCF, partie civile au procès, Me Philippe Sarda a réclamé 5,8 millions d'euros de dommages et intérêts au nom du préjudice matériel en arguant que des trains avaient été annulés et que 10.000 agents avaient été mobilisés pour inspecter les plus de 46.000 km de voies du réseau ferré. Il a également demandé un euro symbolique de dommages et intérêts au nom du préjudice moral.