Éric Dupond-Moretti devant la CJR: "Ce procès est une infamie", dénonce le Garde des sceaux

Chemise blanche, costume noir et cravate sombre, Eric Dupond-Moretti est entré avec un épais dossier sous le bras dans la salle d’audience comme s’il venait plaider. Face à lui trois hauts magistrats et de part et d’autres les 12 parlementaires élus pour siéger par leurs pairs et leurs suppléants. Tous en robes noires de magistrat pour l’occasion.
Installé seul devant ses avocats, Éric Dupond-Moretti s’est montré très attentif au rappel des faits lu par le président, prenant des notes, acquiesçant quand le magistrat mentionne ses déclarations et levant parfois les yeux au ciel, notamment quand il a été question du mal-être de l’un des quatre magistrats sur lesquels il a ordonné une enquête administrative.
"Au procès d'illégitimité s'est ajouté un procès d'intention"
Et puis le garde des sceaux s’est avancé à la barre pour un propos liminaire, d’une voix presque faible, il a déclaré devant une salle d’audience comble: “Pour moi, et pour mes proches, ce procès est une infamie et bien sûr, c'est une épreuve, mais c'est aussi un soulagement. Je suis venu ici pour me défendre. Ce procès, monsieur le Président, est un procès en illégitimité. Il a commencé 20 minutes après ma nomination puisque l'on m'a déclaré la guerre”.
“J'ai été avocat 36 ans, certains avocats m'ont reproché de ne plus l'être et certains magistrats de l'avoir été. Durant 3 ans et demi, et jusqu'à ces dernières heures, on a piétiné ma présomption d'innocence, je me suis vu opposer des caricatures, des approximations, des contre-vérités, des mensonges et parfois même des injures. On m'a également prêté des intentions qui n'ont jamais été les miennes. Au procès d'illégitimité s'est ajouté un procès d'intention”.
Eric Dupond-Moretti prétend alors ne pas s’être défendu depuis le début de l’instruction, alors qu’il a accordé la semaine dernière une interview au Monde: “j’ai accepté de me laisser couvrir d'opprobre pour que mon ministère et mon action ne soient pas éclaboussés. Monsieur le président, j'entends me défendre dignement, complétement et fermement”.
Un dossier à la fois simple et complexe
Le Garde des sceaux, qui a refusé de répondre aux questions de la commission d’instruction de la CJR lors de ses deux derniers interrogatoires, ajoute qu’il répondra à toutes les questions de la cour.
Le procureur général près la cour de cassation, Rémy Heitz, sur proposition du président, a décidé de prendre lui aussi la parole. Ce qui est bien plus rare un premier jour d’audience.
Il explique à la cour: “ce procès n’est pas sans poser difficulté. Pour les témoins, pour la plupart magistrats, dont certains membres du ministère public et dont la carrière dépend de celui-là même que vous vous apprêtez à juger”.
Il poursuit: “c’est un dossier à la fois simple et complexe. Ce procès n’est pas celui de la justice, c’est le procès d’une double prise illégale d’intérêt", affirme celui qui porte l'accusation devant la CJR.
Avant de conclure: "et si cette affaire est à la fois simple et complexe, elle est avant tout grave. Grave, car elle parle de la probité du garde des Sceaux. Grave, parce que le prévenu encourt notamment une peine de 5 années d’emprisonnement."
Dès mardi 7 novembre, Éric Dupond-Moretti sera interrogé sur le fond du dossier.