"Travailler avec le cœur": l'ancien commissaire Maurice Signolet veut une police qui "défend l'humain"

"Faire ce métier avec un coeur et prendre en compte l’émotion des victimes" : Maurice Signolet, ancien commissaire de police, était l'invité des Grandes gueules sur RMC ce lundi 14 avril, à l'occasion de la sortie de son livre La police ne peut plus rien pour vous, paru le 9 avril aux éditions L'artilleur.
Dans ce livre, il raconte sa carrière, en prenant en compte "le temps long" avec l'objectif, pour le lecteur, de "décrypter l’évolution lente mais inéluctable de la sociologie policière". Pour lui, entre le début de sa carrière, il y a 40 ans et aujourd'hui, tout a changé. "Il y a eu une multitude de réformes qui ont fait que petit à petit, on a paupérisé l’institution", juge-t-il.
"Le policier d'il y a 40 ans n'est pas le policier d'aujourd'hui"
Arrivée des stupéfiants, explosion de la délinquance... D'après lui, il y a aussi eu une évolution de la société. "Le monde a complètement changé. Quand je suis rentré dans la police à la fin des années 70, il y avait 700.000 crimes et délits, dont 200.000 chèques sans provision. Aujourd'hui, on est à près de 5 millions de faits recensés", rapporte l'ancien policier.
Il évoque aussi la question du recrutement et la façon de travailler des policiers de l'époque. "Le policier d'il y a 40 ans n'est pas le policier d'aujourd'hui". Il explique : "Quand je suis rentré dans la police, on se modulait par rapport à la mission. On savait qu’elle allait prendre beaucoup de notre temps, on s’adaptait. On faisait énormément d’heures supplémentaires et elles n'étaient pas comptabilisées. Aujourd'hui, on module la mission par rapport aux aspirations des fonctionnaires, on en arrive à une aberration".
"Ton petit vieux est là"
Alors qu'il avait 21 ans, il reçoit au commissariat un homme âgé car sa cave vient d'être cambriolée. Après avoir fait les constations qui s'imposent, Maurice Signolet échange avec cet homme. "Le lendemain il est revenu pour apporter des précisions, puis une semaine après, pour dire qu’on lui avait volé son paillasson : j’ai vite compris qu’il comblait sa solitude", relate-t-il, toujours sur le plateau des Grandes Gueules.
Cette personne âgée reviendra à nombreuses reprises. "On me disait ‘Maurice, il y a ton petit vieux qui est là’, je l’écoutais, je prenais des plaintes un peu fictives." Jusqu'au jour où l'homme ne vient plus. Maurice Signolet se rend à son domicile et le retrouve mort.
Morale et valeurs
Dans ses affaires, il tombe sur "un gros classeur" avec tous les documents que lui avait transmis le policier durant ces mois d'échanges. "Son fils me l’a rendu après les obsèques. Je l’ai gardé et je l’ai mis aux archives."
40 ans plus tard, lors de son dernier jour avant de partir à la retraite, Maurice Signolet passe devant le bureau dans lequel les plaintes sont prises. "J’ai vu une gardienne de la paix qui accueillait un vieux monsieur, il expliquait que deux jours avant, il avait payé par chèque dans une supérette, mais que celle-ci avait été braquée. Il venait pour redonner un chèque à transmettre au gérant de la supérette, pensant que le sien avait disparu pendant le cambriolage", se souvient-il.
"La police ne doit pas être à l'image de la société, elle doit être à l'image de la République", prône Maurice Signolet
S'il raconte cette histoire, c'est pour sa morale. "Pendant 40 ans, j’ai vu des agresseurs, des voleurs etc. et la dernière personne que j’ai vu le jour de mon départ en retraite, c’était un petit vieux qui représentait la respectabilité, l’honnêteté, ce à quoi j’ai toujours cru", explique-t-il avec émotion.
"La gardienne de la paix qui prenait sa plainte a alors assuré au monsieur qu'elle allait s'en occuper. "Je me suis dit 'tout n’est pas perdu', je lui ai serré la main et je lui ai dit 'ne changez rien, restez ce que vous êtes'". Pour lui, c'est cela la mission de la police. Comprendre l'émotion de la victime, travailler avec le coeur et défendre l'humain, énumère-t-il, avant de conclure: "La police ne doit pas être à l’image de la société, elle doit être à l’image de la République."