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Agression sexuelle dans une boutique Sephora: "Une vendeuse vaut moins qu'un rouge à lèvres", dénonce une employée

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TEMOIGNAGE RMC. Une vendeuse d’une boutique Sephora a dénoncé une agression sexuelle en magasin le 17 janvier 2024 à Paris, Gare du Nord. Elle accuse son employeur d'avoir refusé l'intervention de la police et d'avoir relâché son agresseur présumé, manquant ainsi à ses obligations de sécurité.

Cela faisait moins de deux semaines que Lise (dont le prénom a été modifié) était employée en CDD à la boutique Sephora de Gare du Nord, à Paris, quand elle explique avoir subi une agression sexuelle sur son lieu de travail.

"Je me penchais pour prendre un parfum dans un tiroir du bas pour une cliente quand j'ai senti un coup, la paume d'une main au niveau de mes fesses et de mon sexe, j'ai été déstabilisée. Je me suis retournée et j'ai vu un homme avec un regard pervers qui m'a dit: ‘t'es bonne’".

Les agents de sécurité comprennent alors qu'il y a un problème, ils interviennent immédiatement, appréhendent le suspect et le retiennent dans une pièce dans l'attente de la police comme c'est l'usage pour les voleurs.

Les manageuses n'appellent pas la police

Mais ce 17 janvier 2024, la directrice de la boutique est absente et les deux manageuses en responsabilité décident de ne pas appeler les forces de l’ordre, explique Lise.

"Elles m'ont demandé de parler doucement et d'aller dans les vestiaires loin des clientes, puis elles m'ont clairement expliqué qu'elles allaient relâcher mon agresseur. Qu’on ne ferait pas venir la police pour ça. Je me suis sentie vraiment abandonnée. Les policiers interviennent quotidiennement pour des vols de rouge à lèvre en boutique. Une vendeuse vaut moins qu'un rouge à lèvres."

Lise dit avoir appelé le 17 de son initiative et avoir obtenu l'autorisation de quitter la boutique pour déposer plainte au poste de police de Gare du Nord par ses propres moyens.

Elle s'est retrouvée, dit-elle, "côte à côte avec [son] agresseur, il me narguait, il me disait que je ne devais pas déposer plainte, qu'il savait où me trouver, qu'il allait me tuer".

Lise a appelé à l'aide dans la gare, des policiers ont interpellé le suspect et l'ont placé en garde à vue. D'après nos informations, le mis en cause a nié toute agression sexuelle et il a accusé Lise de l'avoir insulté. Il a été relâché sans charges retenues contre lui.

La plainte pour agression sexuelle classée sans suite

Le parquet de Paris a classé sans suite la plainte pour agression sexuelle de Lise dès le lendemain, s'appuyant sur les comptes rendus d'exploitation de la vidéo du magasin qui "montre que l'homme suspecté n'a effectué aucun geste de la main comme il lui était reproché".

D'après nos informations, ce compte rendu de quelques lignes ne précise pas l'angle de la caméra et ne rend pas compte de l'intégralité de la scène. Certaines secondes pendant lesquelles la plaignante et le mis en cause ont pu être en contact n'ont pas été analysées ni retranscrites.

Par ailleurs, aucune confrontation n'a été organisée entre la plaignante et le mis en cause et aucun témoin - que ce soient les clients ou les responsables de la boutique - n'a été entendu.

"C'est la double peine, déplore Lise. C'est parce que mes manageuses ont refusé que la police vienne sur place en boutique que certains témoignages sont perdus pour l'enquête pénale".

Son avocate Me Elodie Tuaillon-Hibon va déposer plainte avec constitution de partie civile "pour que l'enquête soit rouverte au plus vite, ma cliente est extrêmement choquée et ne comprend pas pourquoi elle a été traitée de la sorte."

Sephora assure que "toutes les procédures ont été scrupuleusement appliquées"

RMC a sollicité Sephora qui assure que "toutes les procédures ont été scrupuleusement appliquées". "Chez Sephora, la santé, le bien-être et la protection de nos collaborateurs sont notre priorité absolue”, a répondu l'enseigne.

“Sephora ne tolère aucune forme de violence au sein de ses magasins, et s’efforce d’assurer au quotidien un environnement sain et sécurisé pour tous. Dès que nous avons été alertés de la situation, toutes les procédures ont été scrupuleusement appliquées: les agents de sécurité sont intervenus, la police a été appelée, un soutien psychologique et un accompagnement RH ont été proposés."

Marion Dubreuil avec CA