"J’ai vu des choses vraiment graves": des plaintes pour maltraitance dans les Ehpad du groupe Emera

Vers un nouveau scandale dans les Ehpad en France? Depuis trois semaines, les plaintes pour maltraitance se multiplient dans les établissements du groupe Emera. D’après les informations de RMC, une nouvelle plainte vient d’être déposée pour "maltraitance sur personne vulnérable", à Bordeaux. Elle s'ajoute à la quinzaine d'autres qui ont déjà été recensées à travers la France contre ces maisons de retraites.
Interrogées par RMC, certaines familles se disent désemparées face aux manquements: peu de personnel dans les établissements, manque de formation de certains soignants. Ce qui conduit, bien souvent, à des situations de maltraitance.
Alice, petite-fille de résidente, dans un Ephad Emera à Gradignan, en Gironde, a été la première à porter plainte pour sa grand-mère de 96 ans, qu’elle dit victime de négligences répétées.
“Ma grand-mère a 96 ans et un dentier. Parfois, on ne lui pose pas le dentier donc elle ne peut pas manger et se retrouve en état de dénutrition. Parfois, ils oublient sa toilette. Elle a également le fémur en très mauvais état et elle est en fauteuil roulant, donc elle se retrouve à faire sa toilette seule, sans surveillance”, témoigne Alice.
“Quand je dois la laisser là-bas, je me demande si elle va dormir au sec, si elle va pouvoir manger ce soir… C’est un dilemme et une angoisse latente, permanente, au fond du ventre”, ajoute-t-elle.
Les soignants du groupe Emera dénoncent la maltraitance
Les soignants font remonter les mêmes dysfonctionnements: ils ne sont pas assez nombreux pour s'occuper correctement des résidents.
Une infirmière - qui souhaite rester anonyme - a passé trois ans et demi chez Emera et affirme que la direction recrutait parfois “à la va-vite” du personnel sans formation médicale, pour combler les manques.
“La seule réponse qu’on nous donnait, c'était de la fermer, car on ne pouvait pas faire autrement. Donc c’était ça ou rien. Mais parfois, il valait mieux se contenter de rien parce que j’ai vu des choses vraiment graves”.
Par exemple, “une personne s’est retrouvée avec une fracture du tibia, d’autres ont eu des plaies après des transferts”. L’infirmière poursuit: “Il faut des formations pour tout ça. Moi, je faisais remonter des situations qui étaient scandaleuses. Mais eux, ils disent qu’ils n’ont jamais eu d’échos de maltraitance... C’est faux!”.
Cette soignante fait directement référence à sa direction. Dans certaines structures, d'anciens soignants disent avoir subi des intimidations de la part de leur hiérarchie pour éviter que ces cas de maltraitances soient communiqués aux proches. Un manque de transparence que beaucoup de familles disent avoir subi.
Des mauvaises prises en charge et des négligences “flagrantes”
Une ancienne directrice-adjointe d'Ehpad Emera a exceptionnellement accepté de témoigner au micro de RMC, et assure que dans son établissement, tout était fait pour éviter que les cas soient signalés aux autorités.
“Quand on avait des familles qui se plaignaient trop, qui faisaient des écrits, qui menaçaient, on nous demandait d’aller voir l’ARS pour être protégé à l’avance”, assure-t-elle.
“Tout était mis en place pour nous protéger et pour se prévenir contre l’éventuelle attaque des familles qui pouvaient faire des signalements”.
Cette dernière dénonce également des mauvaises prises en charge, des négligences flagrantes.
“Moi, je ne mettrai jamais mes parents là-bas. C'est comme si je les mettais dans un corbillard”.
Que répond le groupe Emera?
Le groupe Emera se défend en affirmant que toutes ces accusations sont fausses. RMC a sollicité des interviews, qui ont poliment été refusées.
Le groupe a toutefois fait parvenir des éléments de réponse. "Il dément formellement toutes ces accusations". Et précise que "chaque établissement fait l'objet d'un suivi précis par les autorités de santé".
Une politique de déclaration systématique des réclamations et des événements indésirables est mise en oeuvre aux Agences régionales de santé (ARS).
Tous ces évènements, précise Emera, "font l'objet d'enquêtes internes afin d'apporter des réponses aux familles et aux résidents pour pouvoir procéder à des améliorations".