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Téléphone, drogue, alcool… "La prison, c’est le Club Med pour certains" selon un ancien détenu

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Les révélations sur les conditions de détention de Mohamed Amra, en cavale depuis son évasion qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, interrogent. Sur RMC, un ancien détenu estime que certains prisonniers peuvent être privilégiés par leur statut et leurs revenus.

Bien que derrière les barreaux, Mohamed Amra, en fuite depuis son évasion qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, continuait à gérer ses affaires. Au cours de ses différentes détentions, entre mars 2016 à juin 2019, puis de janvier 2022 au 14 mai dernier, date de son évasion, l’homme s’est ainsi procuré de multiples téléphones portables pour continuer à gérer son trafic de drogue et même essayer d'acheter des armes de guerre.

Rien qu’entre janvier et mai 2023, ce ne sont pas moins de neuf téléphones portables qui ont été saisis dans sa cellule de la prison de La Santé, à Paris, selon les informations de BFMTV. En cellule, Mohamed Amra pouvait également fumer la chicha tout en surfant sur des sites de rencontres à l'occasion.

Une heure de téléphone portable pour 50 euros

Des révélations qui choquent et interrogent sur les conditions de détention des 76.766 détenus de France. "C'est le Club Med, mais ça dépend pour qui", explique Greg, incarcéré pendant trois ans, dans Estelle Midi ce jeudi sur RMC et RMC Story. "C'est le Club Med pour certaines personnes. Mais pour d'autres, c'est un gros calvaire, il ne faut pas l'oublier", poursuit l'ancien détenu.

"Tout le monde sait qu'il y a des drones, qu'il y a des colis jetés pendant les promenades. Les surveillants le savent. S'ils voulaient vraiment arrêter ça, ils agiraient", ajoute Greg.

Et il le reconnaît, il a déjà eu accès à des téléphones portables, pourtant interdits en cellule. "Quand on est coupé de la vie, on a envie d'avoir des nouvelles de la famille. J'ai déjà utilisé des téléphones portables, je faisais de la location. Je demandais à un détenu qui avait un téléphone et je le louais pour une heure, une après-midi, une journée. C'était 50 euros l'heure, alors qu'un iPhone 4 se vend environ 400 euros", explique-t-il. Des factures qui se règlent grâce à des mandats.

"Pour certains, la prison se passe très bien. Et ce sont eux qui chapeautent tout. On sait qui a les portables, qui a le shit et qui a l'alcool", ajoute Greg: "J'ai passé une nuit à boire du whisky et de la vodka avec mon codétenu pour fêter le Nouvel an".

Sans s'avancer, il estime que certains surveillants sont payés et que d'autres, "tellement dépassés", ne veulent plus surveiller: "Parfois, on est 200 dans la cour de promenade, il y a des bagarres et les surveillants ne descendent même pas pour surveiller".

Chicha, pique-nique, téléphone : la prison est-elle devenue le Club Med ? - 23/05
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"Paix sociale"

Wilfried Fonck, surveillant pénitentiaire et secrétaire général du syndicat l'UFAP-Unsap Justice évoque des conditions de travail dégradées. "Cela fait 30 ans que la prison est malade et tous ceux qui se succèdent à l'Élysée et à Matignon ne font pas du milieu carcéral une priorité politique et budgétaire", déplore-t-il sur le plateau d'Estelle Midi.

Conséquences, les agents pénitentiaires sont victimes d'agressions physiques et verbales et doivent lutter contre des projections venues de l'extérieur, avec de nombreux objets, stupéfiants, téléphones, viande ou encore des couteaux.

Le syndicaliste l'assure, il n'y a pas de laisser-faire. Quant à la corruption, elle est moindre que dans d'autres milieux appuie Wilfried Fonck: "La probité des personnels n'est pas à remettre en cause, il y a peu de procédures judiciaires pour corruption", défend-il.

Alors, comment Mohamed Amra a-t-il pu se procurer une chicha en détention? À cause de la philosophie de la hiérarchie qui privilégie le "pas de vague", assure l'agent pénitentiaire. "Il y a des décisions qui sont prises pour acheter la paix sociale. Pendant le Covid-19, les visites étant suspendues, il n'y avait rien d'illégal à l'intérieur des prisons. Si on souhaite ne rien faire rentrer, rien ne rentre. Par contre, il faut être prêt à ce que les prisons deviennent des cocottes-minute avec des détenus qui monteront en température", prévient le syndicaliste.

Guillaume Dussourt Journaliste BFMTV-RMC