Gardes à vue jugées injustifiées: "C'est une insulte aux policiers", défend Gérald Darmanin

Y-a t-il des gardes à vue injustifiées en marge des manifestations contre la réforme des retraites? C'est ce qu'affirment plusieurs voix alors que près de trois quart des gardes à vue en marge de la manifestation parisienne du 1er-Mai n'auraient pas fait l'objet de poursuites à leur issue.
"Quand un policier ou un gendarme met quelqu'un en garde à vue, c'est parce qu'un officier de police judiciaire, sous l'autorité du parquet considère que la personne est soupçonnée de commettre un délit ou un crime", a défendu ce jeudi sur le plateau des Grandes Gueules le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
"La garde à vue est faite sous l'autorité du parquet et après cette garde à vue, il y a une poursuite ou non par la justice. Il y a chaque jour des milliers de gardes à vue sans poursuites", a ajouté le premier policier de France.
Mais de son côté, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonot assure que certains policiers et gendarmes interpelleraient des manifestants avant de chercher des motifs pour justifier la garde à vue. Dans un courrier adressé au ministre de l'Intérieur, elle assure avoir entendu des agents de police expliquer "avoir eu pour consigne et ordre hiérarchique d'interpeller sans distinction des individus se trouvant à Paris sans capacité de détailler le comportement du mis en cause".
Des propos insensés pour Gérald Darmanin: "C'est très insultant pour les forces de l'ordre. Jeter l'opprobre sur les policiers et les gendarmes au moment où ils en prennent plein la tête, ce n'est pas très correct", défend le ministre de l'Intérieur.
"Souffrez qu’il y ait en France des autorités indépendantes"
"Ce qui est insultant c’est de donner aux policiers et gendarmes des ordres illégaux", lui a répondu l'avocat Charles Consigny. "Souffrez qu’il y ait en France des autorités indépendantes comme la contrôleur général des lieux de privation de liberté. Des policiers auraient coché au hasard des cases sur les formulaires pour justifier des placements en garde à vue. C'est un faux en écriture publique, un crime passible de la cour d'assises", a-t-il asséné au ministre de l'Intérieur.
"C’est très inquiétant cette espèce de glissement illibéral qu'on a connu sous Macron parce qu'on attendait pas ça d'un jeune président", a ajouté l'avocat.
"Le procès continue contre les forces de l’ordre, depuis de beaux bureaux parisiens de gens qui ne sont pas les pieds dans la glaise auprès de policiers et gendarmes", a lancé Gérald Darmanin à l'attention de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonot. "Il y a un procès sans cesse de la police, il n'y a pas d'ordre donné aux policiers et gendarmes d'interpeller n'importe qui dans la rue", a assuré le ministre de l'Intérieur.
Et de répéter: "Quand les policiers sont sur le terrain et voient des attroupements en vue de brûler des poubelles, casser des voitures, les policiers et les gendarmes interpellent les personnes et regardent qui est responsable de cet acte. La garde à vue n’est pas l’accusation complète", a ajouté Gérald Darmanin. "Tout le monde dénie que les policiers et les gendarmes ont une voix qui doit être plus écoutée que les citoyens", a-t-il estimé.
Un joggeur embarqué en même temps que deux touristes autrichiens de 15 ans
À l'issue de la manifestation du 1er-Mai à Paris, "281 personnes ont été placées en garde à vue" a assuré le ministère public, précisant que "129 ont donné lieu à une décision de classement sans suite" et "74 ont donné lieu à une convocation ou une présentation devant le délégué du procureur en vue d'une mesure alternative aux poursuites".
Depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites et notamment après l'utilisation du 49-3 pour faire passer en force le projet de loi, de nombreux manifestants ont dénoncé des gardes à vues injustifiées. Le 21 mars dernier, Le Monde rapportait ainsi la mésaventure d'un joggeur, empêché de quitter une nasse avant d'être embarqué au commissariat. Et le même soir, ce sont deux lycéens Autrichiens de 15 ans, en voyage scolaire à Paris, qui ont fait l'expérience d'une garde à vue, pris par les policiers pour des manifestants avant d'être libérés après l'intervention de l'ambassade d'Autriche.